20 mars 2017

Le 2ème marathon de Barcelone de Selim par Selim Torgeman




L’année dernière, j’avais décidé de participer au marathon de Barcelone  en partie pour rendre visite à un cousin. J’étais le seul tunisien au départ de la course. L’édition 2017 a été bien plus agréable car nous étions 19 tunisiens dont notre héroïne, Imen. Malgré cet afflux, nous ne représentions qu’un millième des coureurs. La seule épreuve qui attire plus nos compatriotes en nombre de coureurs est celle de Paris, étant donné nos liens linguistiques et culturels ainsi qu’une communauté importante vivant en France. Pour cette raison, nous avons tendance à y aller chacun de son côté ; chacun ses repères. Jamais je ne me suis  senti aussi seul que dans la capitale parisienne. J’appréhendai alors les kilomètres que je comptai attaquer pour la 1ère fois. J’avais la peur au ventre. 

A Barcelone, nous chantions dans notre sas des 3h45 à 4h00. Pourtant nous étions entassés comme des sardines. Certains d’entre nous ont même dansé,  en guise d’échauffement. Nos voisins italiens ont voulu immortaliser ces beaux moments en nous filmant.

Le départ a été donné à l’heure. Nous partons à peine 10 minutes après les élites alors que des milliers de personnes nous ont déjà devancées. Je règle mon rythme. Je choisi une allure modérée. Je ne fais plus l’erreur du débutant en partant comme une flèche. Vers le 20ème kilomètre, je me fais rattraper par les porte-drapeaux des 4 h. Je reste dans leur sillage pendant une dizaine de kilomètres. Je me sens bien, euphorique même. Je passe le 30ème en ayant même quelques minutes d’avance, en 2h54 alors que j’avais prévu d’y passer au bout de 3h. Puis, le manque de kilomètres effectués à l’entrainement m’empêche de maintenir ce rythme. Je vois les drapeaux partir. Je sens que je suis tombé d’un bateau. Je patauge dans cet océan.  Les drapeaux des 4h s’éloignent, tels des voiles flottant au vent. 

Au bout du 30ème kilomètre et à chaque marathon, je sens qu’il y a deux personnes qui me parlent. L’une me dit : « Mais dans quelle galère tu t’es embarqué ? Arrête-toi. Laisse tomber. Marche. » L’autre me répond : « Tu as pris le départ pour être à l’arrivée. Vedi, Vini, Vici comme l’a dit Jules César. Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu.» 

Je franchi la ligne d’arrivée en 4h15. J’avais pour objectif entre 4h15 et 4h30. Mission accomplie. L’année dernière, c’était 4h39 sur le même parcours. J’avais eu un problème gastrique. Je reconnais que j’avais fait le tour des restaurants les jours précédents. A ne pas faire.

J’ai beaucoup appris en novembre dernier lors du Comar marathon de Tunis. J’ai eu l’immense chance et l’honneur d’être guidé par un grand maître de la course à pied en Tunisie, Mr Mohamed Ali Baccouche. Une légende. Il est une école à lui tout seul. Alors que notre groupe voulait accélérer pour gagner quelques minutes durant le 1er semi, il nous demandait de ralentir et de maintenir un rythme constant. Pas de prise ni de chute de vitesse le long de la course. Sinon nous risquions de nous épuiser inutilement. Il faut se préserver au moins jusqu’au 30ème kilomètre. 

Les Points Positifs

Proximité de Tunis. Le vol est direct et ne dure que 1h30
Très belle ville. On allie tourisme et course à pied
Le parcours passe par tous les monuments architecturaux de la ville
Départ et arrivée sur la place d’Espagne devant les anciennes arènes de taureaux
Une organisation parfaite 
Un retrait des dossards et des T-shirts rapide
Dépôt et retrait des sacs aux consignes fluide. Classement par numéro de dossard
Une ambiance extraordinaire grâce aux encouragements de milliers de spectateurs
Des ravitaillements tous les 2,5 kms (eau) et 5kms (gels, powerade, banane, etc.)
Il n’y a qu’une seule montée (courte) après le Camp Nou, le stade du FC Barcelone
Troupes musicales en plusieurs points du trajet

Les Points Négatifs

2 tronçons avec Aller Retour
Pas mal de faux plats qui finissent par user les non avertis
Parcours totalement urbain (Pas de passage par des parcs comme à Paris)
Pasta Party gratuite mais nourriture immangeable
Beaucoup de monde à la running expo (surtout samedi midi)
Un petit bémol. Pas de date sur la médaille cette année

Ce que j’ai retenu

L’âge n’est pas un obstacle. Si on est en bonne santé, on peut aspirer à réaliser ses rêves. « Age is just a number. » Comme, je l’ai raconté à certains, avant mes 50 ans, je considérai les marathoniens comme des extra-terrestres. Je ne me sentais pas capable d’en faire partie. A 53 ans, j’en suis à mon 5ème  (2015 : Paris 4h22 ; Nice-Cannes : 4h02 ; 2016 : Barcelone 4h39 ; Tunis 4h13 ; 2017 : Barcelone 4h15).
Je sais et suis convaincu que je peux courir en bien moins de 4h avec de l’entrainement et une bonne discipline alimentaire. On ne peut réaliser de bonnes performances qu’en étant en-dessous d’un certain poids.
Il faut se faire plaisir avant tout. Nous n’avons pas de sponsors derrière nous qui risque de nous retirer notre prime. C’est une épreuve personnelle. 
Connaitre ses limites est primordial. Se fixer des objectifs réalisables. Je n’ai manqué aucune occasion pour faire la fête.  J’ai ainsi mangé de l’assida au mouled, de la bûche et du panettone italien à Noël, du gâteau pour jour de l’an. Si j’avais trouvé des indiens autour d’une dinde, je me serais joint à eux. J’ai donc une surcharge pondérale. De plus, je n’ai accumulé que 40 à 50 kilomètres par semaine avec une seule sortie de 30 kilomètres. C’est très peu pour aborder la distance mythique. De la folie, diront certains. Pourtant, je l’ai fait. Je me suis fixé comme but d’être à l’arrivée et non pas de battre mon record personnel. J’en étais incapable. Je n’ai pas cherché à accélérer.
Ce qui m’a sauvé c’est une certaine expérience et donc une maturité. D’autre part et surtout, ce sont mes entraînements en natation deux à trois fois par semaine. Je me prépare pour des compétitions en mai prochain. Des dizaines et des dizaines d’aller retours sont nécessaires. Cette activité m’a permis de compenser le peu de temps passé avec mes baskets, d’améliorer mon souffle et de me préserver contre d’éventuelles blessures. C’est le « Cross-Training » ou entrainement croisé.
Quand j’ai dit à un ami que j’avais un gros ventre, il m’a répondu : « le plus lourd, c’est la tête ». Avec de la volonté, on arrive. Le marathon est une leçon de la vie. Il y a des obstacles, des douleurs, des moments de doute qu’il faut franchir. C’est la persévérance dans la préparation et au moment de l’épreuve qui prime.
Un marathon doit passer par des sites dignes d’intérêt pour être attirant. Quand j’ai pris le car touristique à deux étages qui fait le tour de la ville, je m’étais rendu compte que j’étais déjà passé devant les principaux monuments durant ma course. Je pense au marathon de Tunis qui s’essouffle. Il a à peine une centaine de participants. Il devrait pourtant profiter de ses 31 éditions pour s’améliorer. A peine 10 ans de moins que celui de Paris et bien plus vieux que celui de Barcelone. Je reconnais que la plupart d’entre nous avons été piqués par cette passion de la course à pied grâce à la course pour tous ou au semi de la Comar. Il est si ennuyeux ! Les kilomètres s’y suivent et se ressemblent : le lac de chaque côté, pas de spectateurs et plus de ravitaillements pour les traînards. Je sais qu’on avancera l’argument de la quasi gratuité de l’inscription. Pourtant, aux Foulées du Mégara, il y a bien des orchestres et un parcours varié entre sites archéologiques, vue sur mer et passage à la lisière d’une forêt.
Le marathon de Tunis devrait passer par les monuments de Tunis comme ce qui est fait à Paris ou à Barcelone. Ces deux métropoles sont fermées à la circulation pendant une matinée. Oui c’est vrai qu’ils ont le métro comme alternative. Des problèmes de logistiques et sécuritaires ? oui c’est vrai. C’est plus simple d’aller à La Goulette et de revenir. Il devrait être appelé le marathon de l’autoroute Tunis banlieue. Je pense qu’il serait plus attrayant s’il passait par le parc du Belvédère, les portes de Tunis (Bab Khadhra, Bab Saadoun, Bab Menara, Bab Jedid, etc… ), devant le musée et les aqueducs du bardo. Là, on pourra attirer plus de participants étrangers.

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