1 juin 2016

Pourquoi est-il important d'avoir des champions olympiques?



La dernière fois nous avons abordé la question du très petit nombre de médailles olympiques obtenues par la Tunisie. 
Au-delà de la comptabilité des médailles, nous avons besoin de nous identifier à des personnes qui ont des performances extraordinaires. Les jeunes ont besoin de rêver à devenir comme  ce champion olympique et à s’identifier à lui. Nous allons essayer de comparer l’impact  de trois médaillés d’or aux jeux olympiques des années 1960 sur nous en cette deuxième décennie du 21ème siècle. 
Ces trois sportifs sont le marathonien éthiopien Abebe Bikila (JO Rome 1960, Tokyo 1964), le boxeur Mohamed Ali (JO de Rome 1960) et Mohamed Gammoudi (JO de Mexico 1968).

Abebe Bikila : Le coureur aux pieds nus
Abebe Bikila

  • Abebe Bikila est un athlète éthiopien qui a remporté le marathon des Jeux Olympiques de Rome 1960 sans chaussures. Une course de nuit. En 1964, il a la médaille d’or aux JO de Tokyo. Il devient un héros national dans son pays. Il est le premier d’une longue liste de vainqueurs de course à pieds sur moyenne et longue distance provenant d’Afrique de l’Est.

  • Haile Gebressilassie veut devenir comme son aîné. Il court tous les jours 10 kilomètres aller et la même distance le soir ente sa ferme familiale à son école. Il remporte deux médailles d’or aux JO et 8 aux championnats du monde d’athlétisme du 1 500 m au 10 000 mètres. Plusieurs records du monde entre 2007 et 2011. Vainqueur de plusieurs marathons dont 4 fois Berlin.

  • Kenenissa Bekele, également éthiopien, remporte 3 médailles d’or olympiques : sur 10 000 m en 2004 et un doublé 5 000 m et 10 000 m en 2008. Il est l’actuel recordman du monde sur 5 000 m et 10 000 m.
Kenenissa Bekele


La domination des athlètes d’Afrique de l’Est sur moyenne et longue distance est totale. Depuis la victoire de Bikila, les voisins kenyans ont décidé de s’investir en athlétisme. Les athlètes éthiopiens et kenyans se sentent offensés quand on essaye d’expliquer leurs performances par des dispositions génétiques ou des entraînements en altitude avec un manque d’oxygène. Ils parlent de culture du travail. En effet, quand on voit le tableau suivant, il est évident qu’il n’y pas de changement génétique en si peu de temps mais une prise de conscience qu’il faut mettre à la disposition des athlètes les conditions adéquates à la réussite.
En vert les hommes et en orange les femmes

Mohamed Ali : Le combattant pacifiste

Il  est le champion olympique aux jeux de Rome en 1960 (catégorie mi-lourds). Il devient par la suite triple champion du monde des poids lourds. Ses exploits lui ont permis d’en accomplir d’autres hors des rings de plusieurs manières.

  • Son changement de nom et de religion. Il n’est plus Cassius Clay et devient Mohamed Ali après avoir rejoint The Nation of Islam à 22 ans. Il dit : «  Cassius Clay est un nom d’esclave. Je ne l’ai pas choisi. Je ne le veux pas. Je suis Mohamed Ali, un homme libre, qui veut dire aimé de Dieu ».

  • Son combat contre la guerre du Vietnam. En 1967, trois ans après être devenu champion du monde des poids lourds, il est appelé à combattre dans l’armée américaine au Vietnam. Il refuse de s’y rendre. Il dit : «  Aucun Viêt-Cong ne m’a traité de sale nègre. » Il est dépossédé de son titre et de sa licence de Boxe. Il restera 4 ans sans avoir le droit de combattre jusqu’à la décision de la cour suprême américaine en sa faveur en 1971.

  • Sa lutte contre la ségrégation raciale. Il constate que ses compatriotes d’origine africaine sont envoyés en plus grand nombre que les autres à la guerre. Aux Etats-Unis, ils sont défavorisés. Ils ont des écoles à part, des toilettes publiques à part, des emplacements seulement à l’arrière des bus et n’habitent pas dans les mêmes quartiers que les autres. Il s’inscrit dans la lignée des défenseurs des droits civiques des années 1960. Sans sa lutte et celles d’autres tels que Malcolm X et Martin Luther King Jr, Obama n’aurait jamais pu être élu Président. 
  • Sa conviction dans la puissance du mental. Il dit : « L’impossible est juste un gros mot prononcé par des petits hommes qui trouvent plus facile de vivre avec le monde qu’ils ont reçu plutôt que d’explorer le pouvoir qu’ils ont de le changer. L’impossible n’est pas un fait. C’est une opinion. L’impossible n’est pas une déclaration. C’est un courage. L’impossible est potentialité. L’impossible est temporaire. L’impossible n’est rien du tout. »


Mohamed Gammoudi : La locomotive sans wagons
Mohamed Gammoudi

Mohamed Gammoudi n’est pas crédité à sa juste valeur. Il a quand même hissé notre pays sur le toit du monde grâce à sa médaille de bronze et d’or aux 5 000 m et 10 000 mètres aux jeux olympiques de Mexico en 1968. Je constate qu’il est fait appel à lui pour couper un ruban pour une inauguration ou pour remettre un trophée. Et puis, plus rien. 
J’ai beau emprunté la route express X puis X2 et X3 mais jamais la route express Gammoudi. J’ai traversé le pays d’est en ouest et du nord au sud. Je ne l’ai pas trouvée. Peut-être y-a-il une impasse en son nom car c’est ce qu’il y a eu pendant de longues années après sa victoire. Il me semble qu’au Maroc, le train express s’appelle Aouita, du nom de leur très grand athlète. 
L’image de Gammoudi n’est pas exploitée. Pourtant les publicitaires qui sont censés être maîtres en la matière, ignorent ce sportif au grand talent et au comportement exemplaire. A-t-il eu le tort de briller dans un sport qui n’est pas suffisamment apprécié ? En aurait-il été autrement si Mr Gammoudi était un footballeur qui aurait marqué un but décisif durant la coupe du monde ? Certainement.



Conclusion : L’influence des sportifs sur moi


Durant mon enfance, je n’ai pas pu trouver comme référence un sportif tunisien auquel je pouvais m’identifier. En tant que jeune nageur, j’ai eu pour modèle Mark Spitz, vainqueur de 7 médailles d’or en natation aux jeux olympiques de Munich en 1972. Je regardais également les films de Bruce Lee. Au retour du cinéma, je m’entraînais sur les portes de la maison. J’étais au moins sûr de cette manière que je n’allais pas recevoir de coups en réponse à mes gestes. Je n’ai pas choisi les arts martiaux bien bien que j’admirais les exploits extraordinaires de ce surhomme. 

Bien des années plus tard, en 2010, je courais avec un ami américain à Tunis. Il parlait des courses auxquelles il a participé dont plusieurs marathons et notamment plusieurs ultra-marathons. Les 42,195 Km du marathon me paraissaient être une distance infranchissable. Que dire de celles qui vont au-delà ? Je n’en avais jamais entendu parler et n’imaginais même pas que l’être humain pouvait réaliser de telles distances... Mon ami n’était pourtant pas spécialement musclé. Il était tout à fait normal et avait même un travail auquel il consacrait beaucoup de temps. Je souffrais à l’époque pour terminer le semi-marathon de la Comar à Tunis.  J’ai demandé à mon ami s’il pensait qu’un jour je pouvais boucler la course mythique. Il m’a tout simplement répondu : « Si tu peux courir un semi, tu peux aussi bien courir un marathon. » Puis, il a enchaîné par quelques mots dont je me souviendrai toute ma vie : « It’s all in your mind. » Tout est dans ta tête. Si tu penses que tu peux le faire, alors tu le feras. Il a probablement intégré les paroles du grand Mohamed Ali qui a dit que rien n’est impossible. 

Ayant à mon tour été influencé par ces paroles, je me suis lancé à être au départ mais surtout à l’arrivée de plusieurs marathons : Paris et Nice 2015 puis Barcelone 2016. Le défi était surtout de les terminer : en courant, en marchant ou à quatre pattes. A 52 ans, j’ai actuellement pour modèle mes aînés qui ont plus de 60 ans, ont plusieurs dizaines de marathons à leur actif en planifient toujours d’autres. Je pense au Dr Hammouda Boussen, à Messieurs Moncef Debaieb, Mohsen Louati, Mustapha Mirali, Mr Mahmoud de Paris et particulièrement à la légende du running en Tunisie Mr Mohamed Ali Baccouche dont je reçois les précieux conseils et encouragements. 

Faisons tout pour avoir des champions. Ils sont les modèles de nos enfants !

Par Selim Torgeman

5 commentaires:

  1. Sur le plan sportif et humain, selim, tu es aussi une des légendes citées plus haut.

    A quand une rebrique fixe ?

    RépondreSupprimer
  2. Nous voulons la rubrique de selim ! Nous voulons! En terme de générosité...

    RépondreSupprimer
  3. autre chose, selim, tu ne fais pas du tout ton age , je devrais même t'appeler SI SELIM

    RépondreSupprimer
  4. Superbe aperçu sur la carrière unique de Mohammed Ali Clay... Une vraie vocation de journaliste sportif se confirme.

    RépondreSupprimer