30 oct. 2017

Le festival des templiers 2017, mon endurance trail, passionnément !



A l’heure où je commence à écrire cet article, je crois que je ne réalise pas encore...Ma tête bouillonne d’idées et plein d’images défilent devant mes yeux. Une seule idée en tête les reproduire dans ce récit car malheureusement je n’ai pas eu la force ni la patience de faire des vidéos comme a réussi à le faire le grand Skan ! 

Quelques jours avant le départ ! 

Je suis stressée, j’ai hâte d’en finir, j’ai hâte de savoir si j’y arriverai. Je me prépare alors mentalement et “logistiquement” comme je le décris dans mon précédent article. J’intègre les barrières horaires, je regarde les temps de passages qui pourraient correspondre à mon niveau. Je réussis à être moins stressée mais toujours aussi excitée. 

Jour du départ pour l’aventure 



Je suis heureuse comme quelqu’un qui a longtemps travaillé et qui va enfin récolter les fruits mais j’attends le moment où j’aurai la boule au ventre comme à la veille d’un examen. Contrairement à toutes les autres courses où je me posais 36000 questions, pour celle là je ne m’en pose aucune. Je suis prête à tout. J’irai au bout. Et j’arracherai cette médaille.
Nous nous retrouvons donc à l’aéroport excités comme jamais ! Je dois dire que tout se passe comme prévu. Pas de retard, arrivés à l’heure à Marseille, on récupère le véhicule, petite escale pour manger des pâtes, faire les courses, puis on prend la route vers Booz à 40 km du lieu de départ, où nous logerons. 

Jeudi matin...



Réveil joyeux dans ce magnifique décor qui nous met déjà en condition. Nous prenons le petit déjeuner très tôt afin de décaler nos horaires. Au programme : petite visite de la ville, déjeuner (ou gavage en sucres lents) et récupération des dossards. Plus la journée avance, plus je me dis que je vais faire ma crise d’angoisse pré-trail...mais rien n’arrive. Je me dis que je suis vraiment inconsciente ou trop confiante. Mais ai-je le choix ? 
Je pense que quelque part, chacun de nous essayait de ne pas passer son angoisse aux autres. Skander était silencieux, Mohamed aussi (mais ce n’est pas comme s’il avait l’habitude d’être bavard). Hafedh calme mais joyeux. Aymen surexcité et moi je n’arrêtais pas de rigoler : un rire nerveux et hystérique je pense. 

Jeudi après midi



Nous voilà au salon pour récupérer les dossards. Plus la possibilité de faire marche arrière. Nous croisons Haithem, un coureur tunisien qui participera aussi à l’endurance trail. Les garçons font quelques courses... je suis dans ma bulle. Une seule envie : rentrer et tout mettre en place. 
J’abrège un peu et j’en viens au fait. Une fois à la maison, nous préparons studieusement chacun de son côté ses affaires. Le sac sera lourd mais qu’importe ! Je prends mon temps pour que tout soit au top...le seul petit souci, ça sera mes hormones, je suis à un mauvais moment du cycle..je ferai avec.


Skander nous prépare à manger. J’étais pour des pâtes nature et du poulet grillé mais il a tenu à préparer une sauce et a pris le temps d’éplucher l'oignon. Entre temps, j’avais la gorge serrée et mal à l’estomac. Je n’avais aucune envie de manger. Mais je le fis quand même. Il était 18h je pense. J’avais prévu de dormir à 20h et de me lever à 1h15 du matin. Après le dîner, j’ai donc regardé l’émission "N'oubliez pas les paroles" en chantant pendant que Skander lisait et les garçons essaient de dormir...puis j’ai dormi.


Le réveil

Je me suis réveillée peu avant que le réveil retentisse. Très concentrée, j’ai réveillé les garçons, pris le petit déjeuner et me suis habillée. À 2h15, on prit la route vers Millau...les chansons qui passaient à la Radio étaient très sympathiques, une de ces chansons m’accompagnera le long de ces 100km : Mika: "Relax, take it easy...for there is nothing that you can do." (Ironie ? Coup de pouce...) et puis j’ai profité de la route pour me remémorer toutes les raisons qui ont fait que j’ai envie de faire cette course et tous les sacrifices que j’avais fait, toutes les fois où je me suis réveillée à des heures pas possible, toutes les personnes qui m’attendraient à chaque ravitaillement derrière leur écran. Une chose est sûre : j’avais peur, très peur.

Sur le lieu de départ



Nous voilà sur place, presque les premiers. On place nos affaires aux vestiaires, on prend quelques photos, je me mets dans ma bulle : c’est comme une séance de fractionné avec 6 répétitions (puisqu’il y aura 6 ravitaillements, enfin 6 et puis l’arrivée). Tu as fait cela pendant des semaines, tu sais qu’après chaque répétition, tu récupères, donc vas y donne toi à fond, gagne du temps sur les barrières horaires et puis dans quelques heures tout sera fini. Tu ne vas pas te plaindre, tu vas souffrir un peu mais ta vie a été pleine de souffrances, tu en ressortiras encore plus grandie. Il ne faut pas avoir de regrets, donc vas-y donne le meilleur de toi. 
Nous sommes à présent dans le SAS de départ, ambiance magnifique, le speaker met le feu avec ses encouragements et ses blagues et moi bien que concentrée j’avais toujours ce rire hystérique. Allez ! La musique officielle, le compte à rebours, les flammes... je suis émue, je visualise cette ligne d’arrivée en haut de la colline... et c’est parti sur le cri de Aymen : “yallah chabeb”. Je vous mets la vidéo...

De Millau à Rivière sur Tarn. 


On a bien préparé le parcours, sur cette partie 2 difficultés : une montée de 3km puis une autre de 2 km. Objectif, gagner au moins 30 mn par rapport à la barrière horaire. J’avais pensé que le temps de course réservé à cette portion était très juste  (18,5 km, 820 D+ à faire en 3h10) je changerai d’avis plus tard. De plus, dans cette portion, on avait pas le droit d’utiliser les bâtons (du moins selon le règlement, mais plusieurs le feront tout de même et ça me gênera personnellement). Première montée, Skander nous salue (Aymen, Hafedh, Mohamed et moi) et nous souhaite bonne course. Bien évidemment, les garçons montent plus rapidement que moi et m’attendent au sommet. Pour l’instant je ne pense à rien, il fait noir, je suis concentrée, je m’appuie sur la plante des pieds pour ne pas fatiguer mes mollets et je bois régulièrement. On court sur les portions de plat et les descentes, le terrain s’y prête et on s’est entraînés pour le faire. La deuxième montée arrive je prends un gel et j’essaie d’avancer pour ne pas faire perdre du temps aux garçons. Ça finit assez vite je dois dire. Premier ravito. 2h25 de course 45’ de gagné. Je me sens bien. Il est prévu qu’on reste entre 5 et 7 mn au ravito mais je ne sais pas ce qui s’est passé, je pars chercher un verre d’eau et je perds les garçons en même temps que j’entends Mohamed dire : allez on y va.  Du coup, je sors et je prends la route...croyant qu’ils étaient partis mais non ! Je ne les vois pas. Grand moment de panique : 1. Je ne peux pas faire marche arrière et 2. Ils ont dû me chercher et j’ai dû leur faire perdre du temps. Mon téléphone est hors réseau. J’ai envie de pleurer. Je me prépare à attaquer la première montée quand je les entends m’appeler. Ouf. Je m’excuse et ils partent devant. 

De rivère sur tarn à Mostuéjoules (15,5 km 850 D+ à faire en 4h10)


Je n’ai pas beaucoup de souvenirs sur cette portion. C’était très agréable. Le jour s’est levé, les payasages étaient à couper le souffle. La première montée assez simple et même si la deuxième bien que uniquement de 1km20...Je ne sais pas comment vous dire : elle était raide ! Plus raide que tout ce que j’avais vu auparavant.. Allez ma grande, grimpe. Je m’arrête quelques secondes au milieu pour souffler et prendre un gel puis je remonte. Je laisse passer du monde. Je me souviens de ce couple : l’homme tenait sa femme par le dos pour l’aider à grimper ! Une image que je garderai jusqu’à la fin. Jusqu’à là je me contente de courir quand je peux et de monter en gérant mon effort. Les accélérations sur les descentes me donnent des points de côté mais je ne lâche pas. Mohamed m’avait demandé de prendre le lead sur les parties plates et descentes. On arrive au ravitaillement, je remplis l’eau, je grignote du chocolat noir et des chips. On décide de nous changer. Je me rends compte que le fort taux d’humidité m’a énormément fait transpirer. Mohamed dit que les points de côté sont sûrement dûs à cela (il en souffrait aussi). Du coup on décide de nous changer. On repart légers et frais. On a 1h37 d’avance sur la barrière horaire. D'après mes prévisions, ça ne sera pas de trop ! 

De Mostuéjoules à Le Rozier 9.5 km 520 D+

Une grosse Montée de 3.5 km et une descente. Sur cette portion, y a pas grand chose à dire. Du moins pour moi ! Mais c’est pendant cette partie que Aymen a commencé à avoir des crampes ainsi qu’une douleur au genou. Nous sommes à environ 6h de course. Très sincèrement, je n’ai pas encore commencé à compter les heures à ce moment là. Je me sens encore en forme. Et puis je m’étais interdite de me plaindre ou de me sermonner avant le 4ème ravito. La montée passe... bien évidemment avec les bâtons.. Je suis dans ma bulle, concentrée, toujours. Je cours sur le “plat”. Mohamed me demande de décélérer puis arrive la descente, je prends encore le lead pour grignoter du temps. Je ne peux pas regarder derrière moi car bien que cette descente fût simple, elle était dangereuse, elle nécessitait beaucoup d’attention et de concentration. Je suis encore très lucide. J’arrive au 3ème ravito 43.5 km avec Mohamed qui me dit que Aymen a un peu mal. Dès qu’ils nous rejoignent, Aymen et Hafedh nous disent qu’ils prendront du temps sur ce point pour soigner leurs blessures. On prend la douloureuse décision de nous séparer avec l’espoir qu’on puisse se recroiser plus tard... je grignote encore des choses, je ne me rappelle plus quoi exactement... du fromage sûrement ! Du coca aussi et mes dattes. Et puis entre les ravito je prenais les gels en prévision d’une baisse d’énergie. A ce niveau, je n’ai pas de souci particulier, tout marche comme dans le plan (mis à part la séparation de la team). Nous avons 1h40 d’avance sur la barrière horaire mais je sais que la prochaine portion est la plus difficile...du moins théoriquement.


De Le Rozier à Saint André de Vézine (18.5 km 1090 D+)

Au programme deux montées de 4km et un point d’eau séparant les 2. 
Comme toujours, je monte avec mes bâtons et mon allures de tortue. Mohamed m’attend en haut. On prend 2/3 mn au point d’eau, dattes, remplissage du sac que j’avais laissé vide pour mieux gérer la montée puis on descend ensemble. Je me rends compte que j’ai parcouru plus de 50km ! Je m’arrête pour prendre une photo et discrètement je pense sans me l’avouer : tu vas aller jusqu’au bout mais tu n’as pas le corps pour faire ce genre de chose. En fait, l’altitude avec l’humidité m’a fait vraiment souffrir sur les montées. J’étais en apnée. Je discute avec une dame qui a l’air d’avoir de l’expérience et qui me dit que d’après elle : on sera juste sur la barrière horaire de 22h35. J’essaie de la convaincre du contraire mais elle me dit : j’ai l’habitude tu vas voir...Mohamed est devant Moi, il m’a attendu juste après la montée. On court jusqu’au ravito pour arriver à 16h11.


4h28 mn. On a juste 49 mn d’avance sur la barrière horaire de 17h. Plus le temps de trainer. 63 km plus de 12h de course et il ne reste plus que 1600 D+. Mais à ce moment là je commence à ressentir de la fatigue dans mes quadriceps. On sort vite fait du ravito. 

De Saint André de Vézine à Pierrefiche 11km 

En sortant du ravito, je parle à Mohamed de ce que m’avait dit la dame... ça le met dans tous ses états ! J’essaie de le rassurer ! “Je dois réussir, me dit-il, cours s’il te plait”. Je n’avais pas spécialement beaucoup d’énergie mais s’agissant d’une descente, je pris sur moi de le tirer, le temps qu’il se calme. Une fois arrivés à la seule montée de ce trançon, je lui demande de partir. Et il s’élance sur cette montée que je gèrerai à ma manière. Il arrivera avant moi au ravito cette fois. Je ne pensais pas l’y retrouver et cela m’inquiétait un peu car il avait les piles de ma frontale mais il était là, il me donnae les piles, je l’aide à mettre sa montre se recharger. Bref, on mettra tout en place puis il partira...je le suis sans grande conviction mais je devais tout donner. On avait 1h d’avance sur la barrière horaire de 19h20 et donc on avait exactement un peu plus de 4h pour faire 17km et 640 D+. Mathématiquement cela semblait accessible mais pratiquement...cela s’annonçait chaotique. J’ai oublié de dire qu’au précédent ravito, (sur les conseils de Mohamed), j’avais mis ma musique. Il m’avait dit : cela va te booster ! Sincèrement, j’ai pensé que cela serait une perte de temps et que ça me déconcentrerait. Mais je m’étais exécutée.

De Pierrefiche à Massebiau 17km, 640 D+

(4 montées de moins de 3km et le reste ce n’était rien ! Du moins Mohamed avait essayait de d’auto persuader de ce fait. Mais au fond, je savais que cela allait être terrible.) 
Une fois la première montée terminée et sachant pertinemment qu’il allait bientôt faire nuit je m’arrête un moment pour mettre ma frontale et ma montre en charge, j’étais encore lucide. J’avais trouvé l’astuce pour caler tous les fils, garder ma montre au poignet et utiliser les bâtons. La première descente de cette portion je voyais encore mais je n’arrivais pas vraiment à courir car le terrain était glissant et accidenté et à vrai dire mes pas n’étaient plus si surs. En fait, il avait plu la veille, ce qui a rendu le sol boueux mais au moins, il ne faisait pas chaud et on ne souffrait pas de ce facteur. Cerise sur le gâteau ma frontale n’éclairait plus comme il se devait. Je devais donc m’arrêter pour changer les piles, pourquoi je n’avais pas fait plus tôt ?! Je ne savais plus à quel kilomètre j’étais. Il y avait un décalage entre ce qu’affichait la montre et le kilométrage réel que je pensais de 3km mais cet écart s’était visiblement creusé encore plus. 
Pendant toute cette partie de la course, je ne cesserai à aucun moment de faire des calculs improbables qui ne rimaient à rien. La seule chose qui me rassurait c’était que la vitesse moyenne de toute la course était au dessus de 5. Dans chaque portion, je me raccrochais à de petits groupes et je posais la même question : combien de kilomètres reste t-il ? Pensez vous qu’on est bons pour la barrière horaire ? Les réponses étaient mitigées. La plupart des coureurs ne connaissaient pas le kilométrage exact. Je me sentais perdue. Je me rappelle qu’à un moment il y avait une descente où j’aurais pu courir mais vu l’obscurité et le danger qui me guettait si jamais je faisais un faux pas je devais vraiment me concentrer. Alors j’arrêtais l’ipod et c’est surtout dans ces moments là que tournait dans ma tête la chanson de Mika. Je me sentais vulnérable. Je sentais que tout pouvait basculer d’un instant à l’autre. J’imaginais que chaque 100 m me mènerait sur la ligne d’arrivée.

Je ne savais plus quelle heure il était mais je savais que j’étais très en retard. Cela faisait plus de 48h que je n’ai pas eu ma petite fille au téléphone et j’aurais voulu qu’à 20h je sois arrivée pour lui parler au téléphone. Je savais qu’elle me réclamerait. Mais j’ai pensé ou peut être que je l’ai dit : tu sais que ta maman t’aime. Je fais de mon mieux ma chérie. Je sais que tu me pardonneras d’être en retard.

En même temps je continuais à faire les calculs dans ma tête. Combien reste t-il de kilomètres ? J’en sais rien. Arrête de penser, ménage ton cerveau et concentre toi. A chaque fois que je dépassais une montée, je me remettais à courir 5,6,7 8 foulées puis j’étais freinée... soit par les gens, soit par la nature du terrain soit tout simplement par une autre montée. J’avais l’impression que le kilométrage n’avançait pas du tout. Plus j’avançais, plus mes chances de rattraper la barrière horaire étaient faibles mais je ne lâchais pas. Je n’étais pas fatiguée, m’avouer que j’étais fatiguée était synonyme de faiblesse ou de lâcheté or j’étais là parce que je le voulais, j'étais là pour aller jusqu’au bout. Mon esprit traînait mes jambes. Je me sentais juste si vulnérable.

Au bout de 18h d’effort, je n’étais plus lucide mais j’étais encore déterminée. J’avais l’impression d’être à la merci de cette nature. Elle aurait pu décider pour moi, décidé de mon sort sur ce trail mais je ne la laisserai pas faire. Elle était puissante certes mais pas indomptable. J’étais prête. Monter encore et encore, courir même quelques dizaines de mètres au prix d’un effort surhumain. Je savais que tout pouvait s’arrêter à jamais l’espace d’une fraction de secondes si je posais le pied ou le regard au mauvais endroit...et j’ai du tomber car j’ai trouvé des traces égratignures sur mes genoux et des bleus sur mon corps mais tant que mon mental est là, tant que je chantais l’hymne de l’arrivée, non je n’étais pas fatiguée... la vie ne tient qu’à un fil, c’est ce que j’ai pensé plein de fois quand je regardais le vide au dessous de mes pieds. J’ai pensé à Mohamed... où en était il ? J’espérais que les garçons me rattrapent... J’arrive à P74...

Ma montre indiquait déjà 91 km. En calculant le décalage, je pensais qu’il restait 3 km mais l’orienteur m’annonce qu’il en reste 5. Il me reste 1h05 mn pour les faire. Mais il reste une montée, une crête et une descente. Mais dieu seul sait quel sera l’état du terrain. Je luttais de toutes mes forces pour avancer rapidement, je m’accrochais aux différents groupes, je me préparais mentalement à rater la barrière horaire, qu’est ce que je vais faire ? Et si Mohamed ne m’attendait pas à ce ravitaillement ? Comment aurai-je la force de continuer ? J’aurais voulu prendre un gel ou des dattes mais je n’avais aucune seconde à perdre. Très honnêtement, ces 5 km, je ne me souviens plus des difficultés, je me souviens juste du son de l’eau qui m’a rassuré dans le sens où je me suis dit je suis en bas mais tout de suite après il y avait de la boue, je l’ai traversée en dépassant du monde sans me soucier, bouge, bouge Heifa. J’aurais pu nager dedans. À un moment en faisant les calculs et en regardant ma montre, j’ai pensé qu’il restait un km mais j’ai vu une voiture avec des orienteurs, mes pieds frôlaient le ciment, je les regarde, je pose la question : il reste combien de km avant le point d’eau pour la barrière horaire. La dame me répond : c’est bon il n’y a plus de barrière horaire, vous pouvez continuer ! À ce moment là Haythem passe à côté de moi et me dit : "haya Heifa haw krib". Il me fait douter ... mais je vois les gens sous le pont, je vois un chapiteau, de la lumière, j’avance la gorge serrée, le monsieur me scanne encore et je vois Mohamed assis sur le trottoir, la main sur la joue, est ce vraiment lui ? Il n’arrive pas à se relever mais il pousse un cri qui restera gravé à jamais : "ya m3allem, ya m3allem !"

C’était fini ! Oui j’y étais arrivée ! A 7 mn près. La première chose qu’il me dira : où sont les garçons ? Ensuite : le trail pour moi c’est fini. Ma réponse : c’est toi qui le dit, d’accord. On repart assez rapidement. C’était juste un point d’eau. Je n’avais plus envie de rien. J’ai pris 2 dattes et un gel et puis j’étais gavée. Je n’avais plus de quadriceps. Mais il ne reste que 10 km. J’ai pensé que ça serait «la récompense des finishers » mais cette partie là ... était horrible en tout point. (Chmeta).


De Massebiau à La Cade (3km de montée) 

Avant de partir du point d’eau, on demanda à Haythem de rester à 3 sur cette partie. On sort donc ensemble mais en fait ils partent devant pour escalader cette montagne et je galérerai derrière eux. A ce moment précis de la course, je ne comprenais pas, pourquoi encore une montée de cette difficulté? Pourquoi la barrière horaire ne se situe pas au niveau d’un ravito et non d’un point d’eau. Pourquoi nous faisaient ils souffrir encore alors que être finisher était juste une formalité. Bref, ces 3 km étaient interminables. Mais je me consolais en pensant à la descente qui suivrait. En pensant à la ligne d’arrivée. Je n’allais pas me plaindre si près du but. Un peu au milieu de cette montagne, je retrouve Haythem assis sur un rocher. Il m’avait dit : je me repose un peu j’en ai assez... je lui lance quelques mots d’encouragement et il repart. Je mettrai 1h15 pour faire ces 3 km. Au ravito , je retrouve Mohamed et Haythem, j’étais dégoûtée. Je n’avais qu’une seule envie repartir au plus vite et en finir. Je ne sentais plus mes jambes, ni mes pieds. Je me sentais dans un piège. J’avais hâte de voir à quoi ressemblerait cette descente. Je ne pouvais pas croire ce que j’allais voir...je ne me ravitaille même pas. Y avait de tout pourtant. On ne se rend pas compte à ce moment là qu après tant d’heures d’effort, on ne fait que grignoter. Aucun vrai repas depuis 24h. J’ai puisé toute mon énergie, toutes mes réserves alors qu’il me restait 7 km à faire. Me comporter de cette manière était inconscient. J’aurais du manger. J’aurais pu... 

De La Cade à Millau (7km) 

Nous voilà repartis. On recevra l’appel de Hafedh qui nous dira qu’ils nous attendent en voiture...On a traîné Haythem qui était allongé. Ou peut être qu’il nous a rattrapé plus tard. Bref, sans lui, je ne sais pas ce que ce serait passé. Mohamed était parti devant et moi je trébuchais et je chutais chaque 2/3 pas car la descente au lieu d’être la descente vers la “gloire”, c’était la descente aux enfers. Je me disais, non ! On va pas nous faire ça ! Pas encore ! Pas ici ! C’est juste 500m, c’est juste 1km. Mais ça n’en finissait pas. C’était une descente technique du fait de son pourcentage, du fait qu’elle était caillouteuse et boueuse (donc glissante). De plus, il faisait noir, il y avait un fossé au dessous (forcément) et ce n’était pas possible de s’accrocher aux arbres. Je ne pouvais plus faire confiance à mes jambes. Mes quadriceps ne pouvaient plus me freiner. J’ai utilisé mes bâtons pour descendre mais j’avais beaucoup de mal à trouver des endroits pour les poser... tout ce temps là Haythem était devant moi et me guidait. Pose ton pied là ! Appuie toi sur cette branche... puis à un moment au milieu de cette descente il y a eu un petit exercice d’escalade pour la fameuse “grotte du hibou”. Pourquoi faire ? Sincèrement rien n’avait plus de sens. À un moment, je chute tellement violemment que Mohamed a cru que je m’étais brisée le bras mais c’était ma frontale qui avait “pêté”. Me voilà plongée dans le noir. Heureusement que je n’étais pas seule. A un moment, on traverse une chaussée, j’ai cru que c’était fini, je cherchais l’arrivée, les bruits de l’animation, la lumière... mais en fait on a juste traversé la chaussée pour rejoindre l’autre partie de la montagne. Calvaire ? Le mot est faible ! La pancarte “arrivée 2km” n’annoncera même pas sa fin...

L'arrivée


Ce n’est qu’à 1km de l’arrivée que ça sera la délivrance. On recourt un peu. Jusqu’au tapis de l’arrivée puis on devra grimper quelques marches pour passer sous l’arche. Le speaker annoncera notre arrivée, notre nationalité...on l’a fait ! On est finisher de l’endurance trail ! La légende du trail. Je suis templière 
Je n’ai pas la force de pleurer, je suis émue, j’ai été au bout. Trainée par une force surnaturelle sur ces sentiers...j’ai relevé le défi. J’appelle maman, sans qu’elle me pose la question : "oui maman, je suis arrivée, je suis entière, je suis désolée de t’avoir fait peur". On parlera demain. On récupère nos médailles, nos gilets de finishers, il va falloir redescendre jusqu'au départ. Je pleure de douleur. Je pleure intérieurement parce que je ne suis pas faite pour cela mais qu’à chaque fois j’en exige tant de ce corps de maman, n’ayant commencé le sport qu’à 25 ans. Une ex anorexique, une femme tunisienne à qui on a appris que tout est possible, que tout peut être accompli si on le veut. Ma mère m’a appris la responsabilité, elle m’a appris que les compliments ne faisaient pas du tout avancer et que me plaindre ne me mènerait à rien... alors voilà. Je ne sais pas si je suis fière de moi ! J’ai le sentiment du devoir accompli. Je ne sais pas si je ferais d’autres trails mais je sais que ce que j’ai “accompli “ n’était pas accessible. Je ne suis pas une fille de la montagne...

Merci à toutes, à tous. Vous m’avez suivi, soutenu, cru en moi, attendu et félicité comme une famille. Vous aviez sûrement plus important à faire pendant ces 22h.

Merci à mes parents pour l’éducation qu’ils m’ont donnée. 

Aymen tu as fait de moi une athlète en 3 mois. Ton plan est juste magique ! Tu es un dieu comme te l’a dit Hafedh. Merci...

Mon cher kiné, je t’aime tout simplement. Tout a fonctionné à la perfection mais si je fais un autre trail tu viens avec moi. Tu m’attendras avec ton cartable et tes machines à chaque ravito. 

Hafedh, Aymen je crois que je vous l’ai déjà dit...اقسم بالله العظيمً ملي عرفتكمً صار شنجمونً! Vous êtes unique !
Skander, je suis fière de te compter parmi mes amis, ta générosité est sans égal !

Haithem, merci tout simplement ! Merci d'avoir été là ! Merci pour ton sang froid !

Mohamed, comment te dire ? Je t’ai trainé sur la saintélyon, et en cadeau tu m’as offert cette inscription ! Je suis une coéquipière comblée ! Mais je me fais vieille, tu devrais penser à préparer la relève.

Ma princesse, mon ange, je te dédie cette médaille. Tu es celle qui m’a portée sur ces 100km.

18 commentaires:

  1. J'ai retrouvé un peu-beaucoup! ce que j'ai vécu. certaines parties étaient mieux pour moi, la course étant moins longue, d'autres pires (surtout la descente de cade à millau). J'étais seul, ce qui a peut être rendu les choses plus dures quand c'est devenu difficile.

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    1. Merci pour la lecture ! C'était horriblement dur ! Un coureur a abandonné au ravito de La Cade :/ parce qu'il connaissait le terrain !

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  2. Je te tire mon chapeau ! ce que tu as fait est juste enorme ! Sarra a de quoi etre fiere de sa maman !

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    1. Madame c'est un magnifique récit de cette course, de ce défi physique et mental.Cette volonté de ne jamais renoncer,de toujours faire le pas de plus,la foulée supplémentaire pour aller au bout de soi et de ne pas accepter le renoncement légitime qui se presente à soi.Il ne peut y avoir que du respect pour les "finisher" et pour ceux qui n'ont pas réussi à aller au bout de ce chemin.Felicitation à vous et Mohamed.
      Louis du centre CRYORIVIERA de Cannes

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    2. MERciiii pour votre intérêt ! Merci d’avoir pris le temps de lire cet article ! Et pour votre message ! A bientôt !

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  3. Ton récit est émouvant. Tu as fait un bel exploit. Mille bravo.
    Conseil du terminator : pour corriger le décalage Gps, la prochaine fois, une seule adresse : https://apps.garmin.com/cz-CZ/apps/6a30651b-ca67-41a5-96dc-60634983fc93
    Géniale.

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    1. MERCi wassim ! Merci beaucoup ! Oui je m’en suis rappelée au milieu de la course ! Je le ferai sil y a une prochaine fois :)

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    2. Il y en aura inchallah. J’en suis sûr :-) ça commence par U et finit par B ;-)

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  4. C juste magnifique je ne peux te dire que mes profonds respects, le sentiment d épuisement que tu as vécu ne peut le sentir aucun au monde qu'un runneur ou un guerrier au vrai sens du mot, tu es une guerrière,mille bravo sur ton exploit tu nous a fait vivre ton run,l exemple d une femme tunisienne que rien ne l arrête au monde,mes félicitations les plus sincères.Continue on te suit et on t encourage guerrière...

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    1. Merci et mill merci pour la lecture et les encouragements ! J’espère pouvoir continuer encore et toujours ! Votre message me fait chaud au coeur !

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  5. Je suis émue, je dévorais les lignes et j'avais peur que ça finisse tellement c'était impressionnant. Merci pour ce partage. bonne continuation, vous mettez la barre très haute.
    Bravo!!

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    1. Hahahha ! Suis contente que ça te plaise ! Maman m’a dit en lisant j’avais peur que tu tombes ! Merciiii pour la lecture !

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  6. respect Mme!! franchement je suis fasciné et heureux pour toi ... tiens, je suis curieux de savoir ton prochain defi

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  7. Trés émouvant.. tu es une fiérté pour toutes les femmes tunisiennes , merci d'avoir partager avec nous ton experience . Bonne continuation .

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    1. MERci ! Merci ! J’espère pouvoir continuer à vous donner de la motivation ❤️

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