Les jeux olympiques de Rio 2016 vont avoir lieu dans quelques jours et nous nous posons la question des possibilités de nos compatriotes à briller lors de cette prestigieuse compétition. Cette année, nous avons également fêté 60 ans d’indépendance de notre pays. Une personne née le jour de notre libération, le 20 mars 1956, bénéficierait de ses premiers jours de retraite cet été et pourrait profiter de la plage autant qu’elle voudrait. Durant ces six décennies la Tunisie a obtenu 10 médailles olympiques. Pourquoi si peu ? Où est l’erreur ? S’il y a un mal fonctionnement, essayons de l’identifier et réfléchissons ensemble sur les choix à faire pour obtenir une meilleure moisson.
Gammoudi
Notre athlète Mohamed Gammoudi a permit à la Tunisie, pays nouvellement indépendant et ayant peu de ressources, à égaler et même à surpasser de grandes nations. Grâce à ses 2 médailles de bronze et d’or sur 5000 m et 10000 m aux JO de Mexico 1968, notre drapeau a flotté bien haut. Et puis, plus rien pendant de longues années. Au lieu de sauter plus haut grâce à ce tremplin, nous sommes tombés au bas du tableau du nombre de médailles.
Les boxeurs
Avec un peu de recherche, j’ai eu la surprise de découvrir que nous avons eu 2 boxeurs poids super-légers qui ont été médaillés d’argent : Habib Gahlia à Tokyo en 1964 et Fathi Missaoui à Atlanta en 1996. Je suis sûr qu’il y a beaucoup de mes compatriotes qui, comme moi, n’en ont jamais entendu parler. Pourquoi ne sont-ils pas valorisés ? Pourquoi ne sont-ils pas suffisamment médiatisés ? Est-ce que la boxe est moins prestigieuse que d’autres sports aux yeux de certains ? On parle bien de l’équipe de football à la coupe du monde en Argentine qui nous a tous tant fait rêver mais au fond du compte, au-delà du rêve, sommes-nous arrivés à un stade avancé de la compétition ?
Nos médaillés potentiels : Oussama Mellouli, Habiba Ghribi et les escrimeuses.
Sarra Besbes |
La Tunisie bénéficie d’une grande tradition en natation qui lui a permis de bien se classer à un certain moment sur le plan continental et régional avec de grands champions tels que le grand Ali Gharbi. Cependant, ce n’est qu’avec le talentueux Oussama Mellouli que le drapeau national a flotté aux JO dans cette discipline. Il est né en janvier 1984, c’est-à-dire qu’il a plus de 32 ans. A cet âge, la plus grande partie de sa carrière est derrière lui. Où est la relève ? De même, notre belle gazelle Habiba Ghribi a le même âge. Espérons qu’elle pourra défendre sa médaille d’or sur 3000 m steeple. Il semblerait que cette année les chances de succès proviennent de nos valeureuses filles avec l’émergence d’escrimeuses telles que les sœurs Besbes et en particulier Sarra qui a remporté la coupe du monde en Argentine en 2015.
Qu’est-ce qui fait qu’un pays obtienne plus de médailles qu’un autre ?
Il y a certainement la démographie qui entre en jeu. Nous n’avons pas le même réservoir qu’un pays comme la Chine. Sur le nombre, ils peuvent se permettre d’effectuer une très forte sélection en imposant de fortes exigences à leurs sportifs. Ils peuvent même se permettre à avoir « de la casse », c’est-à-dire des athlètes qui ne résistent pas à la pression ou qui sont blessés en cours de route. Le pays a une exigence de produire des sportifs de haut niveau. Il en va du prestige national.
La richesse du pays entre certainement en compte. Les Etats-Unis ont les moyens de recruter les meilleurs formateurs et de mettre à la disposition des sportifs le meilleur équipement possible. Le pays qui accueille les jeux voit à chaque fois ses chances d’obtenir le précieux métal augmenter. Il est encouragé par son public. Le pays hôte ne lésine pas non plus sur les moyens pour accompagner ses sportifs au plus haut niveau.
D’autres facteurs entrent également en compte tels que la politique sportive du pays. Au moment de la guerre froide, les deux grands blocs s’affrontaient également sur les pistes d’athlétisme. Chacun voulait montrer que son système était le meilleur. Ces pays ont compris que pour avoir une élite, il faut développer la base. Beaucoup d’enfants sont encouragés à faire une activité sportive. Le sport a de l’importance dans leur système éducatif. Ce n’est pas juste une matière obligatoire au plus faible coefficient dont on cherche à se dispenser pour se libérer pour pouvoir préparer les autres cours. L’élève sportif y est valorisé.
Comparons le comparable.
Sachant que nous ne pouvons pas rivaliser avec des pays comme les Etats-Unis en nombre total de médailles obtenues aux jeux olympiques, essayons de nous comparer avec des pays ayant des critères se rapprochant aux nôtres. Par ailleurs, beaucoup de personnes considèrent que les personnes originaires des hauts plateaux d’Afrique de l’Est ont des aptitudes physiques supérieures aux autres. En effet, la suprématie des kenyans et des éthiopiens dans les épreuves de fond en course à pied laisse à penser qu’il y a eu une adaptation génétique au fil des générations à des efforts soutenus en manque d’oxygène. Pour éviter le défaitisme de se dire « de toutes les façons, nous n’arriverons jamais à les battre », essayons d’éviter les propos que certains ont été « mieux conçus » que d’autres en prenant en compte les performances de deux autres pays de continents différents du notre.
Pays
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Hongrie
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Jamaïque
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Tunisie
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Superficie (en km2)
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93 088
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11 425
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163 610
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Région
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Europe Centrale
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Amérique Centrale
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Afrique du Nord
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Population (en millions)
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9,9
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2,7
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10,9
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Médailles
Olympiques
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482
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62
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10
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Les deux pays mentionnés ont une population et une superficie plus faibles que nous. Nous vous laissons la liberté d’interpréter ces données comme vous le voulez.
La Jamaïque
La Jamaïque était connue jusqu’à il y a quelques années par Bob Marley et les groupes de reggae ou par ses belles plages ensoleillées. Maintenant, ses athlètes rivalisent et distancent les américains sur les épreuves reines du 100 et 200 m, longtemps dominées par leurs voisins du nord. Il n’y a pas qu’Usaïn Bolt et les autres favoris des starting blocs qui sont récompensés de leurs efforts. Ce petit pays s’aventure dans d’autres disciplines. Il a obtenu les lauriers en natation. En effet, Alia Atkinson remporte la première médaille jamaïcaine des championnats de natation sur 100 m brasse à Kazan en août 2015.
Alia Atkinson |
La Hongrie
La Hongrie est la nation la plus médaillée parmi celles à n’avoir jamais accueilli les jeux. Avec une population comparable en nombre à la notre, ce pays arrive à recueillir près de 50 fois (oui cinquante fois) le nombre de nos médailles. Ce pays d’Europe centrale n’est pas le plus riche de la planète par tête d’habitant. Il faisait partie du bloc de l’Est et ses habitants ont souffert pendant de longues années d’un manque de revenu. Il est indéniable que ses performances sont en partie le résultat de choix faits durant cette période de leur histoire et d’un certain état d’esprit compétitif qui s’en est développé.
La Tunisie
Qu’est-ce qui ne marche pas chez nous ? Pourquoi la mayonnaise ne prend pas ? Un entraineur sportif m’a dit que nous avons la matière première : des jeunes qui veulent évoluer, des parents qui s’investissent de plus en plus et d’assez bons techniciens. Pourtant, nous constatons qu’il y a des cuisinières avec des tomates, des œufs et un peu d’épices arrivent à concocter un plat délicieux alors que d’autres avec les mêmes ingrédients ont une nourriture insipide. Il se trouve que dans notre cas la nourriture n’est que rarement prête. Nous n’arrivons pas à avoir un nombre significatif de champions olympiques en 60 ans d’indépendance.
Quels sont les choix que font certains pays pour obtenir plus de médailles?
Certains pays se sont spécialisés dans un domaine. Par exemple, la Géorgie a fait un choix est clairement fait pour développer la lutte et l’haltérophilie au détriment des autres activités. La plupart de ses médailles olympiques proviennent de ce duo. En France, on pourrait citer l’escrime, le judo, le cyclisme sur piste ou encore le tir. Le Royaume-Uni a une liste de disciplines à amener au plus haut niveau et sur lesquelles il mise : le cyclisme, la voile, la natation, l’aviron… Si les résultats ne sont pas au rendez-vous, la liste peut changer.
Un exemple : La réponse de la France à la suite d’une disette de médailles.
Après chaque olympiade, un bilan est fait. Le ministère n’impose pas de politique sportive centralisée. Chaque fédération présente un plan de 4 à 10 ans à la commission nationale du sport de haut niveau qui attribue ensuite des fonds en fonction de la qualité du projet. Voici 3 cas de politique sportive visant l’excellence dans une discipline dont les résultats étaient médiocres.
- Le handball, est passé du championnat du monde de deuxième division dans les années 80 aux fameux experts champions du monde, d’Europe et olympiques à la fin des années 2000.
- La natation. Les nageurs français n’avaient obtenu aucune médaille aux JO d’Atlanta en 1996, à 6 en 2004 et 2008 et 7 à Londres 2012 dont 4 en or.
- Le tennis de table. Depuis quelques années les juniors écrasent la concurrence européenne.
Quatre principes ont été suivis pour faire émerger une discipline au plan international.
1. Prendre conscience de l’exigence du plus haut niveau.
Le tennis de table est un sport d’habileté. Il faut 10 ans et 10.000 heures de travail pour arriver au plus haut niveau. En natation, le calendrier des épreuves national a été changé pour permettre aux nageurs d’arriver au top niveau lors des épreuves internationales. Il faut réaliser les minima de finale des championnats du monde pour être en équipe nationale. Aucun passe droit n’est accordé.
2. Accompagner les graines de champions
Une bonne politique ne se fait pas sans le soutien des clubs. Ils sont en contact permanent avec les athlètes. La fédération française de natation s’est appuyée sur le savoir-faire des clubs bien implantés pour créer des groupes de haut niveau plutôt que sur d’artificiels pôles espoirs fédéraux. Le Cercle des Nageurs de Marseille est un bel exemple de réussite avec des nageurs comme Lacourt, Bousquet et Gilot.
L’autre point essentiel est la formation des éducateurs. Ce sont eux qui forment les jeunes, détectent les champions et mettent en place une démarche performante.
3. Agrandir sa base de licenciés
Plus il y a de licenciés, plus il y a de chances d’avoir des champions. La première manière d’attirer des adhérents dans les clubs est d’avoir de bons résultats. La stratégie a été de fidéliser les adhérents après la première année et s’attirer les adhérents plus jeunes possibles. La Fédération Française de Hand Ball est passée de 220.000 licenciés en 1995 à 470.000 en 2012. Il n’y avait pas d’offre pour les moins de 13 ans. Aujourd’hui, il y a des structures adaptées à partir de 6 ans.
4. Devenir des gagneurs
Il a fallu changer la mentalité de se plaindre du manque de moyens et se fixer par contre des objectifs de réussite. Dès 12 ans, les jeunes nageurs détectés peuvent participer à des stages « horizons olympiques ».Le nageur préadolescent sent qu’il peut lui aussi devenir champion olympique.
En conclusion, il faudrait prendre conscience que le sport est important sur l’échiquier politique mondial. Il faudrait que notre gouvernement mette en place des stratégies à moyen et long terme et attribue des ressources à des disciplines qui peuvent nous rapporter des médailles.
Mon avis serait de s’orienter vers moins de football et plus de sports individuels en Tunisie!
Mon avis serait de s’orienter vers moins de football et plus de sports individuels en Tunisie!
Par Selim Torgeman
En tunisie. Il faut trouver un équilibre entre le sport de masse et le sport d'élite. C est a travers le sport de masse qu on découvre les futurs champions et il faut affiner leur talent dans l élite. Autre chose, les sponsors. Il faut encourager les sociétés à inverstir sur des athlètes. Sans oublier d'améliorer et d augmenter le nombre des infrastructures sportives.
RépondreSupprimerJe suis d'accord..faut aussi encourager la formation de clubs...faciliter les procédures...encourager les clubs de facultés...
Supprimerc'un sujet où plusieurs facteurs interviennent. la première question qui s' impose : le sport est-il vraiment accessible socialement ? (je ne parle pas de football). où réellement détecter les bons éléments? que donne la société aux jeunes pour trouver le sport où ils peuvent exceller? (différent du sport qu'ils aiment pratiquer par contagion de rêves ? le problème ne réside pas dans la politique face à l élite mais c'est plus que ça... on est dans un système où on a standardisé les rêves de nos jeunes... Un système d'enseignement pauvre qui ne sait pas orienter et cadrer...même dans les club des incompétents psont en train de tuer l ambition... bon je m'arrête là. .ras le bol.
RépondreSupprimerJe vous remercie pour votre intervention. Le but est que tout le monde participe à la discussion et donne son avis. Grâce à nos débats, nous échangeons nos points de vue et prenons conscience de ce qui se passe. Nous essayons de provoquer une réaction positive de la part des autorités. Il ne peut y avoir de sport d'élite que s'il y a une base importante de sportifs en commençant par le scolaire.
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RépondreSupprimerTrès bonne lecture de l'état du sport en Tunisie. En réalité, il n'y a jamais eu de politique sportive chez nous nous où les responsables brillent par leur tendance à naviguer à vue. Le tableau que tu établis, Selim, est édifiant et montre si besoin est la faillite de l'approche qui est la nôtre en matière de sport. Le livre dont je t'ai parlé te donnera j'espère plus d'informations sur l'ampleur du désastre. Bonne continuation.
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