17 déc. 2015

Dans la peau d'une meneuse d'allure

Dans un post précédent je raconte comment je m'étais préparée pour le semi-marathon des oliviers à Sfax, séances de fractionnés, renforcement...je parle aussi d'un objectif  que je m'étais fixée en début de préparation qui était de battre mon propre record sur une distance de semi-marathon, soit 1h46 et secrètement je voulais passer sous les 1h45, voire aspirer à 1h42. Est ce que j'avais ça dans les jambes et dans les poumons, dans la tête, je ne sais pas...Toujours est-il que vers la fin de la préparation je n'avais ni le cœur ni l'esprit à me laisser tenter par la performance...

J'ai eu envie de vivre cette course en convivialité en accompagnant une amie, runneuse qui s'était bien préparée pour cette compétition et qui avait pour objectif de passer sous la barre des 2h en ce dimanche 13 décembre 2015 à Sfax. Pour les non runners un tel objectif peut sembler ''bizarre'' mais les autres comprendront l'importance qu'il revêt! Chose qu'elle avait déjà faite mais dont elle ne se sentait plus capable. Cette amie donne tellement de sa personne et de son temps au running qu'elle a tendance à mettre de côté ses propres objectifs pour le Sousse running club dont je vous parlerai dans un prochain post.
Sur la route entre Sousse et Sfax

Alors, pour résumer, l'objectif est de jouer à la meneuse d'allure à 5'40 au kilomètre pour terminer la distance en 1h58. Un meneur d'allure est un coureur ou coureuse qui va emmener les coureurs anonymes du peloton sur un rythme donné.  On prend le départ, elle n'est pas encore au courant pourtant c'est chez elle que j'ai passé la soirée de la veille et avec elle que j'ai fait le route de Sousse à Sfax, je suis sure qu'elle m'en aurait dissuadée par tous les moyens possibles, elle me lance un "allez, go". Et c'est ce qu'elle me répètera à chaque fois qu'elle aura envie de lâcher...

Comment j'ai vécu cette course? 
Différemment de toutes les autres depuis plus d'une année mais avec un plaisir décuplé par tellement de choses comme le fait d'avoir couru en trio avec ma marraine des longues sorties et ma seule amie  de la vraie vie devenue runneuse  , mais aussi  d'avoir ressenti et partagé son émotion et ses larmes de joie sur la ligne d'arrivée parce qu'elle a vécu intensément cette course et qu'elle est encore plus motivée...Finalement, c'est aussi pour des moments avec une telle intensité que je cours.
Accessoirement, j'ai pu profiter du paysage et prendre plein de photos, même si ce n'est pas du tout le rôle d'un meneur d'allure ;)
Au 15ème kilomètre j'ai ressenti un nouveau type de pression lorsque j'ai compris que je ne pourrais pas atteindre l'objectif fixé, nous (ma marraine et moi) avions tiré d'elle le maximum...j'ai souffert pour elle à chaque fois que je la voyais et l'entendais surtout, au travers des mes écouteurs, à bout de souffle mais qui s'accrochait. Je connais cette sensation et cette phrase qui tourne dans la tête "mais pourquoi je le fais?!, j'ai envie de respirer, j'ai mal! Laissez moi tranquille.''
Le meneur d'allure prenant des selfies, only in Tunisia ;)


Comment elle a vécu cette course? Elle vous raconte...


Le jour J, peu après le coup de départ de la course, je me suis rendue compte 2 choses qui m’ont boulversées: la première est que mon mari a du abandonner la course à cause d’une blessure à la jambe qu’il a eu seulement quelques jours plus tôt. J’étais triste car c’était tellement dommage après toute la préparation qu’on a suivi et je savais à quel point il tenait à courir ce jour là. La deuxième réalisation était que mon amie Heifa avait elle aussi fixé un objectif qui n’était pas de battre son record personnel comme elle me l’avait fait croire “coquine!” , mais de me coacher pour que je puisse tenir l’allure qui me permettra de réussir mon défi! Et elle n’était pas la seule! Notre amie Mona a aussi choisi de dédier sa course à ma réussite. J’ai essayé des les dissuader de ralentir rien que pour moi mais elle ne voulaient pas m’écouter. Elles m’ont poussée vers l’avant sans relâche, elles faisaient même demi tour quand je n’arrivais pas à suivre le rythme! Heifa me donnait des conseils techniques sur l’allure et le temps, Mona me chantonnait “on n’est pas fatigués” et me le faisait répéter pour me donner du courage. Quand je n’avais plus le souffle pour répéter, je secouais ma tête et je fonçais vers l’avant. J’écoutais ma musique à fond et je faisais de mon mieux pour ne pas les décevoir. Au passage des 10km à la 58ème minute, je me suis dit que j’ai des chances d’y arriver. Les conditions étaient idéales, un temps frais, un parcours roulant et surtout 2 personnes formidables qui me tiraient vers l’avant. Il fallait seulement accélérer encore un peu, mais mes jambes fatiguaient un peu. J’avais l’impression qu’elles devenaient plus lourdes, je prenais de temps en temps une datte et une gorgée d’eau, mais elle ne s’allégeaient pas. J’ai regardé ma montre au 15ème km, 1h30 se sont écoulées, mes chances de faire les 6km qui restaient en moins 30 minutes étaient très faibles. J’ai essayé de faire le vide dans ma tête, de profiter du magnifique paysage, d’admirer les coureurs élite qui défilaient dans l’autre sens, de me convaincre que je n’étais pas fatiguée, de courir plus vite … et j’ai regardé ma montre: 2 heures se sont écoulées, il me restait 1 km. Quand nous avons enfin franchi la ligne d’arrivée, Mona me tenait la main vers le haut, victorieuses d’avoir couru les 21,1 km encore une fois peu importe les 2h06 affichés sur le chronomètre. Heifa continuait à prendre des photos souvenir et elle était là pour me féliciter malgré tout quand mes larmes ont finalement coulé.
Mona et Amira sur la ligne d'arrivée

Au final, même si on a pas atteint l'objectif, elle a grignoté 10 minutes par rapport à son précédent semi marathon de la Comar (2h16), ce qui n'est pas rien (les runners me comprendront) et elle sait maintenant que pour battre son propre record, il faut courir à une allure supérieure à celle de l'entrainement, et finir en se disant qu'on aurait pas pu mieux faire, à bout de souffle, les jambes engourdies et le visage décomposé (Ne vous en faites pas la ligne d'arrivée nous fait oublier toute cette souffrance et on recommence toujours)!
J'ai aussi vécu une petite expérience inédite en me faisant accompagnée sur les 2 derniers kilomètres par un bénévole à vélo qui a tenu à me donner le rythme et m'a fait faire une allure de folie pour arriver 3 minutes avant mes amies, reprendre mon souffle et les prendre en photo sur la ligne d'arrivée. Mon chrono officiel 2h03, surement pas une performance technique mais un des semi où j'ai pris le plus de plaisir.
Le bénévole meneur d'allure


Au delà de l'émotion ressentie, du partage...l'idée d'un meneur d'allure pourrait être intéressante à intégrer dans nos semi-marathon, notamment celui de La Marsa (Les foulées du Mégara) qui est la course qui regroupe le plus grand nombre de participants en Tunisie, bien sûr un meneur d'allure en bonne et due forme et que ne s’arrêtera pas pour faire des selfies, qui ne rebroussera pas chemin pour s'assurer que tout le peloton court bien au rythme convenu mais quelqu'un qui s'assurera de mener ses troupes à bon port dans l'intervalle de temps alloué...

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