1 juil. 2018

L'Ultra Trail Côte d'Azur Mercantour...la tête dans les nuages



Très étrangement, l’angoisse des jours qui précédaient le voyage a cédé la place à une certaine sérénité qui m’inquiétait. Est ce que ça serait une preuve que je prends cette course à la légère ? De toute manière, quand on est zen avant une épreuve, cela peut vouloir dire 2 choses : soit on se sent trop fort, soit on s’en fout. Mais cela n’était pas mon cas. Je m’efforçais alors de me concentrer sur le parcours, de me rappeler toutes les choses à faire et à ne pas faire. Avec le recul, je pense avoir compris pourquoi j’étais « zen ». D'abord le cadre dans lequel on était était apaisant, ensuite et surtout, le fait de faire ma course seule me libérait en quelque sorte, je ne ralentirais personne et puis, je n’avais plus rien à prouver, je devais juste me faire plaisir. Ayant récupéré les dossards le jour de notre arrivée à Nice, on avait 24 h de relâchement total. 0 effort, 0 énergie à dépenser...le luxe.


Jour J, réveil à 2h du matin ou même avant

Même si je m’étais endormie tôt, la nuit a plus ressemblé à une sieste. Petit déjeuner, si on peut appeler cela comme ça... à 3h, nous étions en route vers le lieu du départ Saint Martin de Vésubie pour 40 km et 1h30 de trajet. La route sera compliquée... des virages et des épingles à cheveux à donner le vertige ... heureusement qu’on avait était prévenus par des amis. Il me faudra quelques dizaines de minutes pour retrouver mes esprits une fois sur place. On a pensé qu’à 5h du matin il commencerait à faire jour mais ce n’était pas le cas. Je sors la frontale à contre cœur et je reste avec le k-way parce que finalement il faisait froid au pied de la montagne.

Rapidement le top départ est donné, pas d’attente interminable, nous étions une poignée de coureurs, 200 je pense. Cela ressemblait plus aux courses en Tunisie, ce qui je pense m'a mise en confiance.

L'expérience (aussi infime soit elle) fait que je savais à quoi m'attendre, j'avais bien étudié le parcours, calculé approximativement mes temps entre les points de passage. Bien évidemment, il faut toujours s'attendre à tout mais en bonne élève, j'étais à la fois confiante et consciente de l'incertitude liée à la puissance de la nature. Evidemment, dès le début la première montée qui durera 5km pour lesquels on gagnera 1120 m de dénivelé positif, je perds les garçons de vue. On s'est mis d'accord qu'on s'enverrait des textos à chaque fois que l'un arrivera au niveau d'un ravitaillement.


Rapidement, le jour se lève, c'est tellement agréable, tout au long de cette première montée qui n'est pas la plus difficile du parcours, car il y a parfois des portions de plat qui permettent de dérouler les jambes, je ne serai pas seule, il y avait une sorte de file indienne qui avant pratiquement la même allure. J'ai dépassé beaucoup de monde sans beaucoup échanger sur cette portion. Je ressentais un peu de lourdeur dans les mollets mais mes quadriceps étaient là, mes pas étaient surs et ne me sentais pas essoufflée contrairement à d'habitude. Je regardais la montre de temps à autre pour garder la cadence et ne pas décélérer. J'avais en tête de faire cette première partie de 12 km entre 2h et  2h30...après cela va dépendre de la descente. Je faisais attention à bien m'hydrater par petites gorgées toutes les 15/20 mn et à grignoter quelque chose toutes les 50 mn. c'est un rythme qui avait bien marché pendant les entrainements : je n'ai pas de coup de pompe, ni une grande soif qui me pousserait à boire beaucoup d'un coup, ce qui a tendance à m'allourdir l'estomac et à énormément me gêner. Première impression sur ce trail : paysages magnifiques, longue montée (interminable) mais très variée et peu de monde. Du coup, j'étais vraiment à mon rythme : ni bousculée, ni ralentie. Et puis, pas essouflée avec la sensation que mon coeur battait dans mes oreilles et les quadriceps et bien, le travail a payé...et je jubilais de l'intérieur. Quand j'avais fait les templiers, dès la première montée, j'avais très mal mais là...je me sentais dans mon élément. Me voilà au premier ravito après 2h30 d'effort (86ème). Il est convenu de prendre entre 5 et 8 minutes à chaque ravitaillement. Je décide de bien manger ici parce qu'il s'est écoulé un bon moment depuis que j'ai pris le petit déjeuner. Je repars après 5', les flasques remplies et les batteries rechargées. Je n'ai pas de nouvelles des garçons mais je suis confiante. D'après le Road book, la première partie est la plus facile malgré l'important gain d'altitude. Je reste donc concentrée et je ne perds pas du temps même si j'ai gagné 35mn par rapport à la première barrière horaire.

Vers le Cime du Pisset...

Pour la portion suivante du parcours, la difficulté résidera dans la descente d'après ce que j'ai compris. Il faut que je puisse gagner du temps dans cette montée....c'est là que je serai réellement en retard. Je suis éblouie par les paysages et la nature du sol. Les portions de plat ne se laissent pas vraiment courir, on peut juste dérouler les jambes et la montée est très raide. Et puis, la portion est plus longue que ce qui est écrit...Je me concentre sur mes pas, je respire et je discute avec des gens...certains sont étonnés de voir des tunisiens gravir une montagne "comment vous vous entraînez ? vous avez des montagnes en Tunisie?" Le trail c'est convivial...sur un marathon, tu peux suivre quelqu'un pour garder le rythme mais c'est compliqué de faire connaissance. Sur un trail, tu peux raconter ta vie et c'est tellement plus humain. La descente, juste folklorique. Imaginez un grand terrain avec des cailloux cachés partout que vous devez descendre. Je mettrai 2h30 pour parcourir ces 11 ou 12 km prévu en 2h. Mohamed a 35 minutes d'avance sur moi. Et bien, tu n'es pas en avance ma grande me suis dit. Sur cette portion, je ne me rappelle pas de beaucoup de choses mais juste du fait que j'essayais de motiver pour accélérer et que sur le ravito, là où les gens ont pris 15 mn, j'étais vite repartie. Je m'apprête à attaquer la partie la plus compliquée et la plus longue du parcours (à faire en 4h de temps). Je remplis les 3 flasques et bien que j'ai la petite gourde de 300ml que j'avais prévu de remplir pour cette portion, je ne le fais pas. Je ne me laisse pas abattre par ce retard car je me connais, quand les autres sont en baisse d'énergie je pète la forme. Je mets du temps à me mettre en route.

Vers le Mont Archas

A ce niveau du parcours je ne me sens pas du tout fatiguée, au contraire...j'attaque donc cette montée de 5km. Je ne me rappelle pas si j'ai dépassé du monde mais je sais que je ne me fais pas beaucoup doubler. Je suis avec 2 dames (qui seront la 2ème et 3ème féminine) avec lesquelles j'échange. L'une d'elles connait bien ce "parcours", c'est son terrain d'entrainement et l'autre prépare la diagonale des fous mais aujourd'hui c'est son premier trail de plus de 25km. A vrai dire, je ne sens pas les km défiler que je suis au sommet du Mont Archas à 2500m d'altitude, je regarde autour, je suis émue. Je n'ai jamais vu une telle beauté, j'essaie de faire des photos mais je savais d'avance q'u'aucun appareil photo ne pourrait capter une tel spectacle. Je suis éblouie. 





Et la descente sera...raide. Je l'avais noté et je m'y étais préparée. J'ai vu des vidéos mais c'était encore plus folklorique. Et c'est là que mon genou me rappelle que finalement ce n'était pas une si bonne idée de venir sans bâtons. c'est sur cette descente que je me fais dépasser par celle qui sera la  3ème féminine mais très honnêtement je m’en foutais un peu. Je voulais terminer ma course dans le plaisir. J'ai donc décidé de ralentir et de gérer ce kilomètre de descente casse gueule en traileuse responsable. Après vient une portion...où on pouvait courir mais c'était étroit. Tu trébuches, tu te retrouves 500m plus bas perché sur un arbre. Et c'est là où je me dis la même chose à chaque trail : ce n'est pas donné à n'importe qui de faire ce genre de trail : il faut vraiment un bon entrainement et heureusement que ma mère ne voit pas ça. 
Sur cette portion, en plus des difficultés, je faisais très attention à ma manière de boire. Il ne faut surtout pas que je sois à court d'eau. Je suis presque au ravitaillement du 38ème qui selon ma montre est au 41éme (je pense que j'étais à 3km) quand j'aperçois Hafedh et Aymen. J'étais aux anges...On court ensemble un peu, puis j'accélère pour arriver rapidement au ravitaillement. J'ai besoin de me changer. Je recevrai le sms de Mohamed 20mn avant d'arriver. On échange quelques texto pour s'assurer que tout va bien. Au final j'ai mis environ 4h pour faire cette partie prévue entre 4h et 4h30 et j'ai gagné 9 places dans le classement, je suis toujours 4ème féminine. Je suis en avance sur les barrières horaires et j'ai encore du jus pour terminer les 20km restants. Je me ravitaille comme il faut (il va sans dire que tout au long des 4h, j'ai continué ma stratégie de prendre quelque chose toutes les 50mn).

Vers le Caire Gros

En principe, le plus dur a été fait. Mais bien évidemment, entre ce qui est raconté et ce qu'on vit, il y a tout un monde. Je reste concentrée pour cette dernière montée qui est techniquement compliquée mais pas trop longue. Toujours théoriquement. En fait, quand tu penses que tu es au sommet, "au maximum de la montagne" et que tu vois les nuages, tu t'aperçois qu'un peu plus loin et surtout plus haut, se cache un autre sommet où il y a cette petite tente orange qui ne cesse de s'éloigner au fur et à mesure que tu avances. C'était à la fois, drôle et dur. Mais j'ai fini par y arriver. Au fond de moi, je jubilais encore une fois, mes jambes, mes quadriceps étaient encore là. Tous ces escaliers montés, ces minutes de chaise et d'exercices de renfo ont payé. Quelle satisfaction ! Et surtout quel plaisir de ne pas être dans le rouge ! La motivation est double. Comme vous pouvez le voir, sur l'image du parcours, une fois au Caire gros, il ne reste plus qu'à redescendre mais d'après mon expérience après autant d'heures d'effort, ça pique moins de monter que de descendre. Je prie pour que la descente ne soit pas aussi casse gueule que la précédente car mon genou est vraiment en vrac.
A ce point de la course 2 choses me motivaient, arriver alors qu'il fait encore jour et savoir que Mohamed sera à l'arrivée, un visage familier...sur la ligne d'arrivée, que demander de mieux !
Finalement, cette descente jusqu'au kilomètre 50 ou 53 ne sera ni facile, ni difficile. Parfois je pouvais courir, parfois moins mais c'était assez rapide, mes sensations n'étaient pas si mauvaises. A 1 ou 2 km du point de ravitaillement, je reçois le sms de Mohamed qui était déjà arrivé. Je lui annonce que j'arrive dans 10mn. Il me souhaite bon courage mais en arrivant, je le vois, il s'apprêtait à partir Finalement, il me laissera 2/3 minutes le temps de reprendre mes esprits de boire du Coca et on repartira ensemble pour finir la course. Portion faite en 2h30 environ (comme prévu) avec 5 places gagnées. 

Vers Saint Martin de Vésubie...


Mohamed me demande de passer devant lui, pour garder un rythme de descente constant. Je sais qu'on se relayera pour nous booster à tout de rôle et que par moment, j'ai râlé à cause du décalage entre le kilométrage théorique et celui que j'avais sur la montre. A chaque fois, je me disais ah c'est une route, on y est mais on ne faisait que la traverser pour rejoindre une autre portion de nature dont une descente qui était juste violente. Et puis, on est passé au milieu des maisons dans cette campagne et on commençait à entendre le speaker. On est entré dans le village, les gens applaudissait, il y avait ces marches...ces gens dans les bistros, c'était fini et on courait, dernier tournant, le compte à rebours...le speaker qui nous annonce, qui dit mon nom parce que j'étais 4ème féminine, 3ème senior et 73ème sur 125 finishers en 12h55 (60km et 4000 D+)
Encore un trail, ensemble, dans la préparation comme dans la course...and the best is yet to come (comme on dit).



Je pense aujourd'hui sans prétention aucune, que j'ai acquis de la maturité et de l'expérience malgré la difficulté de trouver de bons terrains d'entrainement en Tunisie, malgré le fait que je ne suis pas une vraie sportive et que souvent les moyens manquent. Mais j'ai de la chance d'avoir les pieds sur terre, de connaitre mes limites, et d'avoir croisé la route de personnes comme Mohamed. d'évoluer au milieu de personnes comme Aymen et Hafedh.
Je pense que toutes les courses que j'ai faite, c'est celle que j'ai le mieux vécue. Il n'y a pas eu de moment où je me suis dit, ça ne va jamais finir ce truc ou de moment où je me suis dit je n'ai pas le niveau et je devrais arrêter. Les entraînements et la rigueur ont payé. c'st peut être aussi un format qui me va 60km...J'ai adoré tout simplement !
Encore une fois merci à mes parents au soutien inconditionnel, merci à mon cher kiné d'absorber mon stress et de prendre soin des tendons que je malmène.
Merci à la vie et à mon corps de me permettre de vivre intensément même si je me fais vieille.
Ma petite princesse, si tu n'étais pas là, tout ce que je pourrais faire, n'aurait aucun sens.

10 commentaires:

  1. Felicitation pour votre resultat. Très beau compte rendu comme d'habitude.J'etais content de vous accueillir à nouveaux (avec Mohamed) dans mon centre, ainsi que vos amis. J'espère que la récupération c'est bien passée et que la cryo a été bénéfique .
    Louis

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    1. Merci encore une fois pour la lecture et le commentaire ! Nous avons été ravis de revenir et de profiter de la cryo ! Merci pour votre accueil !

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  2. Magnifique récit. On voit que tellement tu as bien vécue la course que tu semble banaliser sa difficulté dans le récit. Quand on lit on a l'impression que c'est vraiment de la tarte. Mais, te connaissant je suis convaincu du contraire. Bravo gladiatora

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  3. Magnifique récit. On voit que tellement tu as bien vécue la course que tu semble banaliser sa difficulté dans le récit. Quand on lit on a l'impression que c'est vraiment de la tarte. Mais, te connaissant je suis convaincu du contraire. Bravo gladiatora

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  4. Tu es incontestablement la meilleure

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  5. Très beau récit.Bravo championne Heifa.

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