3 juil. 2018

L'Ultra Trail Côte d'Azur Mercantour : le jour d'après...



Les 60km étant bouclés, il était 18h...il fallait maintenant penser à la course de demain. Et oui...l'aventure ne fait que commencer, demain on fera 22 km avec Ali et Mariem qui vont faire leur premier trail. 22km et 1400 D+ le lendemain à 10h du matin. 

Retour sur cette idée folklorique 

A une semaine de la course, le parcours que nous nous apprêtions à faire 70km et 5000 D+ a été modifié en raison des conditions météo. On aura donc un parcours de 57 km et 3840 D+, soit une portion de moins, une montée de moins. Nous étions frustrés ou déçus...Aymen avait lancé, on va faire le 12km avec les filles, comme ça on aura nos kilomètres (Rihab et Mouna, d'autres amies étaient avec nous pour faire ce trail avec 800 D+). 
Rihab et Mouna

J'ai répondu très sérieusement : "oui mais le 12 c'est en parallèle avec notre trail, par contre on pourra prendre le départ avec Mariem et Ali pour le 22". Mohamed avait dit : allez!!! Le Lendemain ou le surlendemain, Hafedh nous a inscrits...ça sentait la très mauvaise décision !

Il est 18h, nous venons de finir les 60 km. Dans 16h, on sera sur la ligne de départ d'un autre trail, c'est très sérieux. Juste pour vous donner une idée sur cette course, 22 km et 1400 D+ c'est l'équivalent de 36 km sur du plat et puis 1400 D+ c'est plus que n'importe quel trail en Tunisie. 

Première étape 
Essayer de récupérer au mieux (je m'étais documentée sur le sujet et nous avions eu un retour de personnes ayant fait des trucs pareils).
Direction le ravitaillement : 
Pour ma part, j'ai bu beaucoup de Coca, mangé des pastèques, grignoté 2 ou 3 trucs mais rien de consistant et ça sera tout pour la journée (alors que j'aurais du dîner au moins).
On découvre qu'il y a des kiné, à notre grand bonheur, on fait alors la queue pour nous faire masser...et ça fait réellement du bien.
Au bout d'une heure, Hafedh et Aymen sont là : "alors demain on court?" Je vous épargne les réponses...
Hafedh, nous propose de faire un bain de glace dans l'une des rivières par lesquelles on est passés pour soulager nos muscles...c'est ce qu'on fera.

Ce qui est très bien, c'est qu'on rigolait de nous mêmes, on savait que ce n'était pas raisonnable mais on allait le faire ou du moins essayer. Aucun de nous ne voulait montrer aux autres que c'était quelque chose de fou...De plus, jusqu'à là on ne sent pas vraiment les courbatures et les traumatismes. Au fond de moi, je priais pour qu'elle n’apparaissent pas avant le lendemain après midi.


Deuxième étape 
Rentrer pour nous préparer pour demain (folklorique je vous dis) ! Sur le chemin du retour, les avis étaient mitigés mais nous étions d'accord qu'une promesse est une promesse.

Bon, je vous la fais courte, le lendemain matin à 8h45, nous étions toutes et tous en voiture en route vers Saint Martin de Vésubie. 

Pour ma part, je sais que je n'ai pas assez rechargé mes batteries...mais j'étais confiante : j'ai ramené mes bâtons avec moi ce matin. Il est à noter aussi que de grosses chaleurs sont prévues ce matin et peut être un orage et que la barrière horaire a été reculée de 5mn. Sinon, les courbatures sont bel et bien là ! Mohamed s'est voulu rassurant : "nous vous inquiétez pas! ça partira avec les premiers kilomètres". Je m'étais abstenue de répondre. 
Pour les premiers 8 km ça sera l'inconnu mais pour le reste ça sera du déjà vu : la 4ème montée de la veille et la descente jusqu'à l'arrivée. Dit comme ça, ça semble simple mais...

Sous l'arche de départ, le soleil frappe fort ! Je me sens un peu étourdie mais je m’efforce de sourire, nous sommes là pour Ali et Mariem...

Top départ !


Les instructions : Ali et Mariem partiront devant, ils sont frais et nous on essayera de faire ce qu'on peut en restant ensemble. Premier virage, je suis à la ramasse ! Pour commencer, il faut faire 3.4 km et 550 D+ en 1h. D'après mon expérience, c'est juste, du moins pour moi. Effectivement, j'arriverai pile poil avec la barrière horaire. Pendant cette heure, je suis passée par toutes les étapes : au début on était pris dans les bouchons (et oui beaucoup de monde sur cette distance) j'en riais. Puis, j'ai eu chaud très chaud, au point de voir les petites étoiles...Puis je n'arrivais même plus à bouger les bras correctement pour pousser les bâtons. L'horreur ! Je me suis battue pour arriver à franchir la barrière horaire, je suis arrivée, j'étais blanche, je tremblais et les garçons étaient tout frais, tout souriants ! 


Dans ma tête, j'ai pris la décision d'arrêter, je ne veux pas infliger à mon corps plus que ça. Car je sais, que si mentalement, je peux résister à la douleur des courbatures, à la douleur de mon genou en vrac et que je vais essayer de m'alimenter pour ne pas être vidée...la récupération sera longue et qui sait ce que seront les séquelles. Je veux passer des vacances en bord de mer et non pas à la clinique. Pour une fois dans ma vie, je vais respecter mes limites physiques et arrêter de m'entêter. Bref, j'ai pris les clés de la voiture, souhaité bonne continuation aux garçons, qui ont essayé de me persuader de continuer puis j'ai pleuré un bon coup et je m'apprêtais à poser le pied sur le tapis pour rejoindre la navette quand un bénévole a crié "attention, attention, il ne faut pas poser le pied sur le tapis". Puis, il m'a regardé et il m'a dit : tu étais là hier, c'est tous les jours toi ?! J'ai répondu en souriant : "oui mais voilà suis fatiguée, j'aurais pas du je m'arrête". "Mais non" m'a t-il dit, "tu continues"...et une femme (bénévole aussi) m'a regardée : "vous allez bien madame, continuez et ça ira mieux après". Alors, j'ai appelé Mohamed et Aymen pour leur dire de m'attendre mais ils ne décrochaient pas. 3mn s'étaient écoulées depuis leur départ, j'ai donc couru...pour les rattraper...

Puis, il y a eu cette descente, j'ai boité, mon genou se décomposait...mais je voulais les rattraper et surtout ne pas me faire rattraper par la deuxième barrière horaire. Bref, je n'avais plus beaucoup de temps pour réfléchir...j'ai couru, marché, me suis appuyée sur les bâtons...il me restait 1.5 km pour arriver au sommet (la tente orange de la veille) et dans les 200m de D+ quand un monsieur de l'organisation nous a annoncé qu'il ne fallait plus monter en haut car il y avait un orage imminent et qu'il fallait redescendre toute de suite...on s'est exécutés en suivant le parcours de repli. J'ai continué à essayer de joindre Mohamed pour savoir où ils en étaient mais sans succès. En arrivant au ravitaillement du 16ème km j'étais en avance de 30mn par rapport à la barrière horaire, je pense donc que j'aurais réussi à franchir la barrière horaire même si j'étais arrivée au sommet...
Je suis là, je pose mes bâtons et je regarde les coureurs descendre en espérant voir un visage familier...Mariem arrive, elle est contente de me voir mais ne comprend pas beaucoup ce qui s'est passé. Je lui explique pourquoi je suis là avant elle, je l'aide à remplir les flasques et l'oblige à manger puis elle repart rapidement...déterminée. Je rappelle Mohamed qui décroche enfin...ils entament la descente et sont avec Ali. Je lui dis que je les attends.

Je m'assois sur une chaise et je les attends. Bizarrement, je ne sens plus les courbatures depuis quelques kilomètres. Je ne vais pas dire que je pète la forme mais je me sens beaucoup mieux. Et puis, il reste 8 km à faire ensemble. 

Quand les garçons arrivent, quelques minutes et on repart. Eux aussi, ont mis beaucoup de temps à comprendre pourquoi j'étais là avant eux sans les avoir dépassés et d'ailleurs c'était la blague dans plusieurs groupes sur ce ravitaillement. On entame donc ces derniers kilomètres ensemble en essayant de se soutenir. Mohamed n'arrête pas de booster Ali...je fais une magnifique chute sur une portion de descente assez compliquée mais finalement les kilomètres passent rapidement...
2 kilomètres environ avant l'arrivée, maman qui ne savait rien de ce second trail, m'appelle...je ne sais même plus ce que j'ai dit...

Nous voilà au village...mêmes bistros, mêmes marches, même arche même speaker...Et nous, mêmes joueurs...jouent encore...enfin plus eux que moi mais on l'a fini ensemble...


Ali nous rejoindra après quelques minutes et Mariem était déjà  là vêtue de sa couverture de survie...

Après la chaleur du matin, il pleuvait à présent...

Je n'ai pas trop envie de tirer les conclusions...car je pense qu'il faut l'avoir vécu et ressenti pour le comprendre...le défi a été relevé malgré tout...maintenant je ne sais pas si je referai quelque chose de pareil mais si je le fais je sais quelles sont les erreurs à ne pas commettre ! 

Beaucoup de souffrance pour ma part mais j'aurais regretté ne pas avoir continué...les images qui restent dans nos têtes, les blagues, les dessous, ce n'est pas juste 22 km mais des liens qui se créent et des vies qui changent ! 

Ali raconte : "J'étais témoin de la naissance d'une passion. Une passion autour d'une activité, d'un sport, de la découverte, de la nature... C'est tellement complet et gratifiant. Cette passion est néee dans la douleur de la préparation. 2 mois quasiment chaque jour. Faire tout ce que je n'ai pas l'habitude de faire autrement dit un changement radical de mon rythme et de ma routine. Certainement, le meilleur changement qu'un être humain puisse faire. A toute la troupe (horde, groupe, bande... Name it) un grand Merci"

Bravo à tous ! Et surtout, je suis ravie pour Mariem, Ali, Rihab et Mouna pour leur premier trail...L'aventure ne fait que commencer !



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