19 mai 2017

Le trail des forts de Besançon : Echec mais sûrement pas mat !




Sur la route de Besançon vers l'aéroport de Genève, je regarde la montagne et les paysages de part et d'autre de l'autoroute. Ma tête me fait mal, j'ai un peu le vertige et j'ai encore des courbatures ou plutôt des douleurs... tous les symptômes post trail que j'avais dénis après la saintélyon, que je n'avais pas compris mais qui, je pense vont devenir familiers, vu le programme qui m'attend pendant les années à venir. Après une épreuve de 8h, le corps encaisse forcément un grand coup! 
Retour sur ce trail des forts de Besançon qui pour l'instant sera la plus rude épreuve que j'ai vécue. 
Je ne reviendrai pas sur le pourquoi du comment de ce trail. C'était tout simplement un coup de tête, un coup cœur. A la suite du trail de Kesra, la décision était prise, il restait 3 semaines pendant les quelles on aura pour objectif de maintenir la forme. Je dis "on" parce que bien évidemment, je n'imagine même pas m'embraquer dans un trail sans mon co-équipier Mohamed.
Bien que ces 48 km me faisaient peur, je me sentais en forme. Je me disais que 48 c'est juste 6 km de plus que 42 et et beaucoup moins que 72 et surtout surtout ce trail se passe le jour et il ne fera pas si froid. Même si à chaque fois que je regardais le profil du parcours, j'avais du mal à imaginer les pentes dont il s'agissait...je me disais qu'il y avait sûrement des escaliers. J'étais optimiste et rêveuse...erreur de jeunesse ou mauvaises fréquentations?


Bon, nous voilà à 7h30 sur la ligne de départ après 3 jours à avaler du Malto et la journée de samedi pratiquement passée à dormir. Ce matin je me sens déterminée. Je ne baisserai pas les bras et je ne me plaindrai pas. J'ai envie de réussir et de me faire plaisir. La veille, il avait énormément plu. Notre ami chez qui on logeait, nous avait dit : c'est très rare qu'il pleuve de cette manière là. Ce matin il n'était pas prévu qu'il pleuve mais avec le top départ les premières gouttes ont  commencé à tomber. Ça ne me gênait pas vraiment. Il continuera à pleuvoir jusqu'au premier ravitaillement. Bien que le dénivelé était assez important lors des 10 premiers km, c'était gérable et amusant.

au premier ravito
Tout de suite après le premier ravito, on entre dans le vif du sujet : montagne, boue, cailloux, arbres, descentes vertigineuses et dangereuses, murs d'escalade. Tout a commencé quand Mohamed a rigolé et m'a regardé : ne regarde surtout pas en haut. Comment vous dire : ce n'était pas une pente mais un mur.
Ce n'est pas celle dont je parle dans le texte

Une dame a dit : elle est où la corde? Je n'avais pas saisi sur le coup. Mais la pente était tellement raide qu'à mi chemin il y avait un câble suspendu auquel on devait s'accrocher pour monter. C'est une montagne me diriez vous donc pourquoi ne pas s'accrocher aux arbres? Et bien, figurez vous, j'ai essayé mais les petites branches  s'accrochaient à mes affaires et m'empêchaient d'avancer mis à part le fait qu'elles me griffaient. J'ai alors décidé d'emprunter le "chemin" au milieu que tout le monde prenait et qui ressemblait plus à une chute de boue qu'à toute autre chose. Il y avait certaines pierres auxquelles on pouvait s'accrocher j'ai donc monté comme sur un mur d'escalade en tirant sur mes bras et m'appuyant sur tout ce que je trouvais jusqu'à atteindre la corde. Dans ma tête, je ne me rappelle pas qu'il y a eu des difficultés avant cette montée mais en regardant la course sur Garmin, je me rends compte que si (vous pouvez vérifier sur la photo du tracé du parcours ci dessous) mais je vous promets que ce fût tellement infernal qu'en arrivant au bout tous mes muscles tremblaient, mes genoux étaient griffés, la pomme de ma main aussi, un de mes doigts de la main avait rendu l'âme et j'étais trempée dans la boue de la tête aux pieds. J'ai dû perdre pied 4 ou 5 fois sur 200 mètres et perdre les quelques mètres que j'avais gravi à chaque fois. J'en riais au fond de moi mais je me disais, tu vas y arriver et tu vas te faire greffer le t-shirt en guise de victoire. C'était in-humain.
Jusqu'à là, je me sentais bien. Je veux dire, je me sentais capable de continuer et surtout je n'avais pas la sensation d'être à la traîne derrière Mohamed. Je prenais des risques dans les descentes même s'il gravissait les montées rapidement et m'attendait à chaque fois au sommet.



Nous sommes maintenant au 2ème ravitaillement, il est 11h45. La barrière horaire est à 12h et à 14h15 pour le 3ème. Mais un coureur nous dit : ils vont faire exploser les barrières horaires vu les conditions météo. En apprenant tout cela, Mohamed me regarde l'air de dire : et bein on est à la traîne! Mais je ne sais pas pourquoi, j'étais optimiste, je me disais cela ne pourrait pas être pire, nous avons un peu moins de 2h30 pour faire 15 km, c'est jouable. Mais en fait les chiffres se bousculaient dans la tête et je n'étais plus sûre de rien mais j'avais certainement tort d'être optimiste, car chaque kilomètre entre le 2ème et le 3ème ravitaillement sera une épreuve en soi. Les descentes glissantes et extrêmement dangereuses et les montées interminables. Du plat, il n'y en avait pas ou alors c'était un chemin en pleine montagne soit avec de la boue, soit avec des cailloux. Tu rates un pas : tu tombes dans le fossé ou tu te brises un os. A un moment, il y avait un câble accroché à la montagne pour le tenir et pouvoir descendre à reculons. Je tremblais de partout, je n'avais plus aucune résistance dans aucun de mes muscles, j'avais des crampes dans les plantes des pieds à force de me cramponner au sol. J'ai d'ailleurs pris la ferme décision de ne plus faire de compétitions tout en sachant que je ne m'y tiendrai pas.


Je sentais que j'avais atteint mes limites physiques mais en même temps j'étais prise au piège de la nature, de la forêt, de la montagne. Sachant que durant ces quelques kilomètres, nous découvrions le chemin à prendre grâce à de petite bandelettes en plastiques accrochées aux arbres. Mohamed de temps à autre me lançait : lève la tête nous sommes presque au sommet, il y a le ciel. Et aussi, laisse toi descendre en t'accrochant aux arbres comme Tarzan. Je ne parlerai pas des chutes que nous avons eu...folkloriques, hilarantes mais je n'avais aucune force de rire, ni le coeur d'ailleurs.
A 2 ou 3 km du 3ème ravito, un monsieur qui vraisemblablement faisait partie de l'organisation (de part le t-shirt qu'il portait), nous dépasse, je lui demande ce qu'il en était de la barrière horaire pour le prochain point de contrôle. Il m'annoncera qu'elle était dépassée depuis 30 mn, ce qui, selon lui implique qu'une fois au ravito, on nous prendra nos dossards et on sera libres de se faire rapatrier en voiture ou de continuer mais que de toute manière on était hors course. Je m'en foutais au fond de moi. Je finirais en ayant le sentiment de m'être dépassée plus qu'à n'importe quel autre moment de ma vie. Je n'aurais pas pu gagner 30 mn de toute manière. Mohamed était furieux. Il s'est mis à accélérer. Nous voilà enfin au km 39.

Les ravitailleurs étaient entrain de plier bagage. Les responsables de la course ne savaient pas vraiment ce qu'il fallait faire mais on ne nous avait pas pris nos dossards. Certaines personnes se faisaient raccompagner au départ en voiture. Nous avons pris quelques forces puis continué à courir sans savoir ce que nous allions faire. Un agent de la sécurité civile, nous a dit qu'on pourrait y aller en faisant attention aux voitures parce que désormais la circulation était rétablie mais que le parcours sera abrégé. Dommage...car ce qui restait était simple avec des montées sans boue. Nous rencontrerons un groupe de coureurs qui n'en savaient pas plus que nous. Nous poursuivrons avec eux jusqu'à l'arrivée. Nous serons comptabilisés parmi les coureurs arrivant même si nous n'avons pas bouclé les 48 km. Il manquera 4. Grand cafouillage de l'organisation...Pas de sentiment d'euphorie sur la ligne d'arrivée, ni d'émotion. C'était chaotique. Terriblement dur. J'en a bavé sans penser à abandonner. Je me suis sentie si minuscule face à cette montagne, face à cette nature qui était certes merveilleuse mais si en colère ce jour là...du moins, je l'entendais me dire : tu es sûre? tu veux faire du trail? Tu veux te mesurer aux grands? Vas y!



Encore une expérience qui m'en aura énormément appris sur moi même, sur le trail, sur les pièges à éviter, les précautions à prendre. Pour cette fois c'est sans regrets! Heureuse d'être allée au bout de moi, d'avoir cherché de la force au plus profond de mon corps et de mes muscles. Je suis chanceuse d'avoir rencontré une personne comme Mohamed qui me tirera toujours vers le haut et qui ignorera les limites que je me fixe. Je n'ai certes pas ton âge, ton vécu sportif, ni tes quadriceps mais je m'accroche et "on ne lâche rien" comme tu aimes si bien le répéter. Merci tout simplement!
Maman! je suis désolée de te faire des frayeurs à chaque fois mais sache que c'est ce que j'aime faire le plus et ce qui me rend heureuse!

Arrivée

8 commentaires:

  1. C'est très touchant, Heifa, comme tous tes articles d'ailleurs! Bravo pour cet beau trail, et merci pour ce très beau partage. Bonne continuation :)

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  2. Merci chère Amal pour la lecture et pour tes encouragements! Je te souhaite de continuer sur la voie du running !

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  3. incroyable! merci d'avoir partage tes expériences ��

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  4. Woow sacrée expérience! J'ai fait la course aussi, sur le 28km, et finalement je suis arrivée avec grand soleil... mais je connais bien le parcours du 50 et ses murs, ce sont mes terrains d'entrainement! Beau mental en tout cas, chapeau!

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