5 avr. 2019

Marao trail : 3 ans et 6 mois de trail...




Petit retour en arrière...

J’aimerais revenir un peu sur l’avant course, parce que cette fois c’était différent. Peu de gens me croient mais je n’ai jamais été une élève qui dit avoir raté son examen ou n’avoir rien préparé...pourtant quand je dis que je stresse avant un trail de 55 kilomètre, on ne me croit pas.
J’étais angoissée. Réellement angoissée (crise d'angoisse et tout ce qui va avec) pas stressée ou excitée ou ayant le track. Je n’arrivais pas à savoir pourquoi : je me disais tu as fait 100 km, 60 km avec plus de D+ et un indice de difficulté plus élevé, pourquoi te mets tu dans des états pareils ?! Et puis réellement, il n'y a pas d'enjeu technique : ce trail rapporte 3 points ITRA, j'ai besoin de 4 pour finaliser mon inscription à la CCC en 2020. Donc c'est vraiment un trail pour le trail. 

Je pense avoir fini par comprendre d’où venait cet état :
Mon premier trail c’était la saintélyon, je n’étais pas encore consciente de tout ce qui m’attendait, je n’imaginais pas à quel point cela allait être compliqué... et puis Mohamed allait courir avec moi et à 2 forcément...

Ensuite nous avions couru le trail des forts de Besançon qu’on avait sous estimé et nous l’avions payé cash : rattrapés par la dernière barrière horaire... la nature avait gagné. Et puis il y a les templiers : je m’étais bien préparée, je savais à quoi m’attendre, je savais aussi que ça serait dur mais j’étais prête. Nous étions en groupe c’était rassurant pour moi. Il était convenu que nous courrions ensemble toute la team...y avait tellement d’ambiance que je n’ai pas eu le temps de trop penser. 

L’UTCAM c’était un peu les colonies de vacances : une préparation en groupe avec des moments inoubliables, un séjour en groupe dans une villa sur la côte d’azur avec piscine...et puis on avait préparé un 70 avec 4500 D+ et à j-5 on nous dit que ça sera un 57 avec 3500 D+, nous étions à la fois déçus et confiants.

Après ça ce fût le vide : pas de compétition, juste des entraînements dans 80% du temps en tête à tête avec Mohamed. 9 mois à accumuler les km et le D+, les séries d’abdos et de gainage. Énormément de discipline mais aucun test, aucune évaluation.

Les 2 dernières semaines de la préparation étaient très dures physiquement. J’avais peur que mon corps me lâche à force de lui en demander. 

Donc, en gros, j’avais peur que tous mes efforts tombent à l’eau mais aussi et surtout, quand on acquiert de l’expérience en trail (sans prétention aucune) on gagne en humilité face à la nature : d’accord je me suis documentée mais la littérature n’est pas assez abondante pour me permettre de savoir à quoi m’attendre. D'accord, j’imagine comment seront les montées mais je n’ai aucune idée sur les descentes... j’avais besoin de gagner en confiance en moi (physiquement) à l’issue de ce trail. 55 km, 3100 D+ et autant de D- toute seule l’épreuve qui me permettrait peut être de me regarder différemment.


La course...


Allez j’ai trop tourné en rond : nous sommes sur la ligne de départ : il fait bon, on va y aller et chacun fera de son mieux à son rythme. L'ambiance est "de jour"...ce qui détend l'atmosphère malgré le fait que l'handicap de la langue au Portugal fait que tu ne peux pas trop ressentir la convivialité. Mais ce départ à la lumière du jour est quelque peu rassurant. Il y avait aussi le speaker et le photographe qui nous avaient abordés. Je ne ressentais pas trop le stress...j'attendais juste paisiblement en faisant tout ce que j'avais l'habitude de faire : prendre des photos, vidéos, poser, observer, inventorier ce que j'ai mis dans mon gilet et où...

Premier objectif : gagner du temps sur la première barrière horaire car sur le papier c’est celle qui me semble la plus « juste ». Deuxième objectif : finir avant la tombée de la nuit pour ne pas avoir à allumer nos frontales.

La première portion est celle qui accumule le plus de D+ mais croyez le ou pas ce n’est pas ce qui me faisait peur. Et puis ce sont 16,8 km avec 1100 D+ un peu comme une sortie Bougarnine (c'était l'argument que je m'étais trouvée pour faire baisser mon niveau de stress). J’ai donc couru comme un samedi matin : j’ai eu le mollet gauche engourdi sur les 5 premiers km mais je me suis persuadée qu’avec la dose d’endorphine je ne vais plus rien sentir. Ces 17 premiers km passent assez facilement c’était relativement assez roulant 2h30 alors que j’avais prévu 3h (barrière horaire à 3h30). Au ravito je me sens vraiment bien, je prends confiance en moi : je suis heureuse.


La seconde portion est décrite comme celle qui contient la montée la plus difficile... difficile ? Il fallait tout simplement escalader la montagne : pas de sentier, un pourcentage de 40% ou plus sur 2/3 km mais malgré tout j’avançais sans bâtons et j’arrivais à dépasser certaines personnes. J’étais fière de moi, de ma fraîcheur physique, de ma discipline, de mon hygiène de vie d’avant course. Désormais, on accumulé, plus de 1700 D+, on va commencer â redescendre : c’est cool vraiment rien de très technique je commence à me faire des films dans ma tête en regardant mes allures mais heureusement je je garde les pieds sur terre car très vite le terrain change et la descente devient plus technique. Mohamed et moi on s’était mis d’accord de nous envoyer des texto à chaque check point au bout de 2 sms, j’ai compris le rythme avec lequel il progressait... ça me rassurait, ça me donnait un peu le ton... me voilà au deuxième ravito très sereine. 28 km en moins de 5h. Donc logiquement je pourrais faire dans les 10h, je dis logiquement mais dans ma tête je suis convaincue que ça va être plus compliqué que cela. En trail, ce n’est jamais logique : quand ça monte plus c’est que ça descend et quand ça descend et bien parfois tu as même du mal à marcher : il faut sauter pour y arriver.




On attaque la 3ème portion 9km une belle montée mais aussi et surtout une descente... à vrai dire je me rappelle vaguement de la montée : c’était un sentier mais avec une alternance de montées et de plats : gérable. Je courais à chaque fois que je pouvais, je n’étais pas fatiguée. Quand on arrive à la descente, je me doutais que que ça allait être acrobatique mais ... ni appui, ni sentier, ni rien... et c’était long. Avec ma maladresse et mon manque de coordination j’étais très très mal barrée, je rigolais au fond de moi. Et le pire c’est que je savais qu’il y en aurait une autre encore plus longue. On a eu droit aux cordes, aux passerelles improvisées, aux sentiers à peine adaptés pour marcher sur une seule jambe : je n’avais vraiment pas le temps de réfléchir juste gérer pas après pas ce labyrinthe. Labyrinthe parce qu’il fallait se concentrer sur le balisage fait par ces bandes oranges qui pendaient aux arbres. Et comme on passait d’une rive à l’autre et entre les arbres, il fallait deviner le chemin le plus court et le moins dangereux. Heureusement que mes quadriceps étaient encore là car au moindre faux pas il était possible de dire adieu à la vie.



Me voilà au ravito 3, 37.8 km et 7h06 de course. Désormais ma devise était claire : courir comme si toute ma vie en dépendait à chaque fois que le terrain le permettait et gérer les descentes pour pouvoir terminer en un seul morceau et ne pas risquer de devoir m’arrêter.

A ce moment de la  course, je me sens seule d’un coup, durant les trails en France, tu discutes, tu sais ce que les gens disent... comment ils ont vécu la portion du parcours... au Portugal ... j’étais seule au monde, j'étais "the english girl" from Tunisia comme me l'a dit un des concurrents quand il a compris que je ne comprenais pas un mot de portugais.  Je fais donc rapidement : une poignée de chips, je remplis les flasques, je m'hydrate sans excès, un verre de coca et je repars pour 6km et 500 D-.


J’imagine à quoi cela va ressembler mais j’espère secrètement que cela ne sera pas le cas... mais si...


 Encore des cordes et des acrobaties... heureusement que mes jambes sont encore fonctionnelles. Il faut dire qu’avant ce trail mon alimentation a été exemplaire et j’ai fait le plein de sommeil. Je suis donc supposée être en forme. En super forme comme dit mon cher kiné qui pense  que j'invente des douleurs avant les compétitions et que j’imagine plein de blessures... alors qu’il n’en est rien. Mon cher kiné : je ne te remercierai jamais assez mais je te promets que tout ce que je dis est vrai.

Revenons à la descente... elle ne se raconte pas... elle se vit. Et c’est d’ailleurs c'est ce à quoi j’ai pensé quand j’étais en pleine galère. Je ne pouvais même pas m’arrêter pour prendre des photos... deux hommes m’avaient d’ailleurs aidé à sauter certains "obstacles" ...

Ce qu’il faut savoir c’est que en ce qui concerne la coordination et les sauts, je suis à l’ouest... je ne peux même pas vous décrire la médiocrité de mon niveau. Peut être pas aussi médiocre que mon sens de l'orientation...parce que croyez le ou pas je me suis égarée 2 fois et j'ai du perdre une dizaine de minutes...



Enfin, arrive le dernier ravitaillement, Mohamed est désormais en avance d’une heure sur moi. Il fera un magnifique timing et j'en jubile déjà de joie. Il reste maintenant 11km jusqu’à l’arrivée... le reste de la descente dans les mêmes conditions et un peu de D+. Mais j’étais confiante : mes jambes me portaient encore et donc je pouvais me donner à fond : je ne subissais pas la course, je pourrais me faire plaisir pour ce finish.

Mais malheureusement cette descente n’en finit pas. Je sens que je commence à m’énerver. Je décide  alors de mettre un peu de musique pour me concentrer sur autre chose : erreur ! Le rythme me donne envie d’accélérer, or ce n’est pas l'endroit parfait pour. J'arrête alors la musique mais au moins cela m'aura servi à retrouver ma sérénité et à finir paisiblement cette portion. Et même si en terme de timing il ne reste plus beaucoup de temps à passer sur les sentiers, j'ai continué à m'alimenter et à m'hydrater de manière très carrée (j'avoue que j'étais gavée de gels de dattes et de chips et que vers 14 heure j'aurais aimé mangé quelque chose de solide.)

Quand vient la dernière montée j’étais tellement contente de moi et euphorique que j’avais envie de courir ...  c’est à ce moment là que je reçois le message de Mohamed m’informant qu’il a fini en 9h05 (j'avais le bon pronostic et j'étais comblée de joie pour lui). Il m’envoie des messages d’encouragements et me dit qu’il m’attend à l’arrivée pour me motiver. J'en profite pour me renseigner sur la technicité de la dernière descente et il me rassure...il ne me reste plus qu'à profiter de cet état de forme dans lequel je suis...je mets mes écouteurs et fonce...je suis émue...je pense au chemin parcouru, aux sacrifices...à toutes les choses que j'ai apprises tout au long de ces années, aux rencontres que j'ai faites...je plane. J'arrive sur la ligne d'arrivée...il fait encore jour, objectif largement atteint.


Mohamed arrive en courant et filme une séquence vidéo...
J'ai toujours voulu que quelqu'un m'attende sur une ligne d'arrivée, il l'a fait, cela a donné une autre dimension à la course...je suis tout simplement comblée.

Alors merci la vie de me permettre de renouveler ces moments de bonheur grâce au partage de cette passion avec une personne comme toi. Merci d'être entré dans ma vie !


Bien évidemment sans le soutien de mes parents tout cela n'aurait jamais été possible alors merci à eux. Tout cet accomplissement n'aurait jamais été possible sans l'éducation qu'ils m'ont donné...

Ma petite princesse, toutes ces médailles sont les tiennes...un jour tu grandiras et tu comprendras cette passion ou mieux on la partagera...

L'aventure continue...tant que mon corps me portera...

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