2 mars 2018

Séville, 5ème Marathon : quand tout va de travers !




Nous arrivons sur l’aire de départ vers 7h45, je crois, le temps de prendre la pose et de faire la reconnaissance des lieux pour comprendre où sont les entrées des SAS, nous nous dirigeons vers la zone d’échauffement. Je me sens très excitée et ça se voit sur ma fréquence cardiaque. J’avais longtemps hésité à mettre la ceinture mais finalement, j’ai opté pour, je me suis dit que même si ma FC monte de toute manière je ne m’arrêterai pas. Sofiene m’avait lancé, suite à cette réflexion : « tu veux dire que tu veux mourir sur scène » !

L’ambiance est magnifique, il y a beaucoup de monde mais pas trop,  juste assez... un peu comme à Nice mais avec des gens moins guindés ! Je suis fan des espagnols et de l'Espagne ! Avant de nous diriger vers les SAS de départ, chacun fera une dizaine de minutes d’échauffement. On se fraye un chemin et on commence, ça me permettra de moins grelotter déjà, il fait 10 degrès je pense mais je porte un short en même temps...il faut ce qu'il faut !
Quelques allers retours à faible allure, dans cette zone, et je commence à sentir un point de côté, je sais par expérience que ça ne disparaîtra pas mais je me dis que comme d’habitude je dramatise et que si ça se trouve, il est juste dans ma tête. Je vais mieux me concentrer sur ma respiration et tout ira pour le mieux. Après tout l’allure que je vise je l’ai tenue sur un semi marathon il y a 2 mois et je n’avais pas encore suivi de préparation et je l’avais tenue encore une fois vers la fin de la prépa les doigts dans le nez pendant une des sorties 32, dans une semaine super chargée. Je suis calée sur cette allure, mes jambes l’ont mémorisée, mon cardio aussi et j’ai travaillé pour ce 3h20. Je suis confiante, je dois l’être. Ma préparation m’a permis de gagner en assurance et en sérénité.


Ceci dit, la veille, j’avais eu des sensations bizarres dans les mollets, une sorte de picotements, j’avais le sentiment d’avoir des aiguilles et j’avais les pieds gelés. J’étais rentrée juste après le déjeuner alors que les autres sont restés découvrir Séville. J’ai préparé mes affaires, j’ai mis les chaussettes de compression et j'avais mis un coussin sous les pieds. J’avais pensé à un problème de circulation vu que mes jambes sont restées suspendues dans l’avion, durant 7h lors du trajet de Madrid à Séville. Ça passera avec du repos et une fois sur la ligne de départ.

Me voilà donc dans le SAS, je continue à bouger les jambes et à faire des sauts sur place pour que ma fréquence cardiaque ne baisse pas. Allez Top départ du SAS élite, les départs se succèdent à des minutes près, pas de départs différés comme à Paris ou à Nice et c’est mieux. Moins d’attente. Moins de pensées négatives.

Dès le premier kilomètre, je le sens, mes sensations ne sont pas bonnes du tout mais je ne réfléchis pas, il me faut toujours 5km pour me mettre en route. Ceci dit, je tiens l'allure même si je remarque que mon coeur s'emballe. C'est peut être l'effet compétition me suis je dit. Il faut l'avouer, étant donné mon allure et la nature du parcours les kilomètres passent rapidement. Tu as tout le temps des lignes droites avec des variations de ce qu'il y a autour...et c'est très entraînant. De plus, je suis dans le bon SAS, j'entends des coureurs parler de l'allure à tenir 4'40 au km.
Arrivée au 5ème kilomètre, j'en suis certaine maintenant, je n'ai rien dans les jambes. Je dois décider : soit je continue avec cette allure en espérant que je puisse tenir un max, soit je décide de baisser l'allure. Chose que je n'arrive pas à faire, vu la vitesse à laquelle couraient les runners à côté. Bon, je vais gérer. Ma tête, mon mental traîneront mes jambes aussi loin que possible. Je fais attention à bien m'hydrater et à prendre mes gels comme convenu. Le point positif c'est que le point de côté n'est pas revenu.
Km 14

Enfin, jusqu'au 15ème où une douleur apparait, sur une échelle de 1 à 10, j'étais à 10. Je respire, j'essaie d'augmenter la cadence et de caler ma respiration sur mes pas, elle diminue un peu quand je décider de marcher sur quelques mètres et d'appuyer sur le côté opposé et je me dis que je vais m'accrocher jusqu'au 21ème. Je réfléchis à la cause, je ne comprends pas. Comment arrêter la douleur. J'utilise toutes les techniques que j'ai lues dans les articles. Mais je sais par expérience que ça sera compliqué de m'en débarrasser sans m'arrêter. Allez ! Je suis à la fin du semi, 1h39. Parfaitement dans les temps et la douleur diminue. Je bois de l'eau et là c'est la catastrophe, la douleur est à 18. Je tiens le coup sur 2 km grâce à l'ambiance de ce marathon, je pense à ce que m'aurait dit Mohamed s'il avait été à côté, aux blagues de Balti, à sourire au cas où il y aurait une photo. Mais en même temps je me fais une raison. Le chrono, ça ne sera pas pour aujourd'hui, avec d'aussi mauvaises sensations dans les jambes, un cœur qui bat à 173 depuis presque 2h et un point de côté phénoménal. Je pense sérieusement à arrêter. Mais comment ça se passe si on abandonne dans une course sur route. Il y a un rapatriement ? Ou je suis obligée de marcher.
Je continue. Au 23/24ème, je décide de m'arrêter. Je suis en avance. Donc, je prends un peu de temps, je m'arrête, je respire, je fais baisser ma fréquence cardiaque et je décide de reprendre à 5'30 au kilomètre. De toute manière, c'est sans regrets, il y a des jours sans. Il faut toujours qu'avant chaque compétition, je me prépare à l'éventualité que la machine me dise : "hey coco, aujourd'hui laisse moi tranquille. Oui je sais que tu as envie et que tu es motivée mais pas moi." Le corps humain a ses lois et fera toujours la loi.
Donc, au fond de moi, je pense à l'après course et à la fête qu'on fera. Je pense à tous les autres, je souhaite que tout le monde arrive à son objectif. Nous avons travaillé si dur pour cela.
Le problème à ce niveau, c'est que je n'arrive pas à baisser l'allure, vu que tous ceux à côté vont à la vitesse prévue. Donc, un coup je m'arrête pour respirer et dès que je reprends, je suis dans l'allure cible.
Km 36

Ravito du 25ème, dramatique. Reprise en force du point de côté avec d'autres variantes. Je ne sais plus où je dois appuyer mais je comprends. L'eau est froide et je bois beaucoup aujourd'hui. Désormais, je boirais uniquement l'eau de ma bouteille. Enfin, si j'arrive à finir. Peut être que je devrais m'arrêter, m’asseoir et attendre Sofiene et Aziz pour finir avec eux, au moins ça sera plus sympathique. Allez, accroche toi ! Je sais que quand tu commences à te rendre compte des kilomètres qui passent dans une sortie ou dans une compétition, ce n'est pas du tout bon signe. Alors je m'accroche : aux spectateurs, à la musique, aux coureurs autour, je cherche des talons auxquels je peux m'accrocher. Je remarque qu'il y a très peu de femmes autour de moi, voire pas du tout. Je fais une longue pause au 27ème pour pouvoir atteindre le 30ème km au moins. On avisera après. A ce rythme je suis toujours en dessous de 3h30. De toute manière à ce niveau de la course, je m'en fous éperdument. Il faut juste que cette douleur passe à 5 que je puisse terminer.
Km 36

Au 31ème, je m'arrête encore, je me dis que ça sera le dernier arrêt et après je tiens au 5'30 mais je n'y peux rien. C'est juste atroce. A partir du 35ème, autant j'avais de l'énergie dans ma tête, autant la douleur était insupportable. Je pense que je me suis arrêtée presque chaque kilomètre. A un moment une personne de la sécurité, a cru que j'allais m'évanouir et m'a attrapée par le bras...Mais j'ai dit que tout était ok. Bein oui, même si j'ai vu le ballon moins de 3h30 passer devant moi, j'étais contente parce que j'ai géré. Parce que je suis au 35ème avec des sensations très mauvaises, un cardio dans les hauteurs et un maudit point de côté. J'étais lucide et pleine d'énergie. J'étais entrain de donner mon maximum et c'est bien le plus important.
J'aurais pu et voulu m'asseoir sur le bord de la route et pleurer depuis le 23ème km mais au lieu de ça j'ai continué à suivre le plan. Je ne suis pas et je ne serai pas déçue. C'était la forme du jour. Ce marathon est magnifique : la ville, les gens, le climat, la qualité du parcours... je suis concentrée.
Km 37

On passe au milieu des ruelles, pas loin où on loge avec un public en folie, je garde le cap...je ne peux même pas m'arrêter à ce niveau (mais je le fais quand même pour m'adosser 30' contre le mur) et puis j'aperçois le stade dans lequel l'arrivée est prévue. Il reste 2.195km, qui risquent d'être long, si je n'accélère pas alors je tire mes jambes, je respire, je chante et je passe sous le pont pour entrer dans le stade, je vole sur cette piste...On y est, je passe la ligne d'arrivée 3h32, je regarde en haut, je lève mes bras...et je marche, je peux marcher...J'ai vomi après 2mn chose qui ne m'est jamais arrivée ni en compétition, ni en entraînement.
J'étais vraiment mal aujourd'hui. Mais je pense que je n'ai jamais été aussi fière de moi, enfin si sur les templiers...mais ce jour là, j'avais le dessus sur mon corps sur la plus grande partie de la course. Pas aujourd'hui ! Je prends ma médaille, je manque de l'arracher...c'était ma plus grande motivation tout au long du parcours...Je marche en suivant le flux, je n'ai qu'une hâte sortir de cette foule, il y a un tunnel, j'essaie de prendre des trucs au ravito d'arrivée qui était juste phénoménal mais je peine à rester éveillée : fatigue et claustrophobie ça en fait trop pour moi ! Je suis enfin dehors, je respire...non ce n'était pas évident aujourd'hui...


Alors oui, j'ai travaillé très dur pendant 2 mois pour faire 3h20 et je me suis privée pour perdre du poids. J'ai été disciplinée, j'ai fait les bains de glace alors qu'il faisait 5 degrés, je me suis hydratée, j'ai ingurgité du Malto et plein d'autres choses que je n'aime pas mais ce jour là, tout est allé de travers. Je suis peut être censée être déçue d'être passée à côté de cette "performance", mais bizarrement je ne le suis pas du tout. J'aurais pu ne pas être sur la ligne de départ, j'aurais pu ne pas terminer. La vie m'a apprise à être humble et réaliste. Quand j'ai vu ma couleur sur les photos de la course, j'ai compris pourquoi quand je m'arrêtais pour marcher, les gens me regardaient inquiets...J'ai fini dignement et debout !  Je suis 45ème de ma catégorie sur 229,  142 ème femme sur 1168 et 3407 sur 9493. 
Aujourd'hui, quelques jours après, je suis d'autant plus contente parce que toute l'équipe est ravie des résultats, parce que les conseils que j'ai donné et mon partage d'expérience a servi...
Alors merci à tous ceux qui ont cru en moi ou fait confiance...qui m'ont encouragée...du fond du cœur merci !





10 commentaires:

  1. Merci pour ce magnifique commentaire ! Voilà !Il faut savoir lâcher prise et continuer à avancer malgré tout ! Bon courage pour tes futurs projets !

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  2. Réponses
    1. Waw! Je ne savais pas que c'était autant! Bravo pour avoir résisté et terminé. Tu restes une idole. Big up

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    2. Waw! Je ne savais pas que c'était autant! Bravo pour avoir résisté et terminé. Tu restes une idole. Big up

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    3. merci merci Aymen ! Bravo à toi aussi !

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  3. Comme d'habitude très beau récit. Felicitation et Bravo pour cette course.le chemin es parfois plus important que le résultat. Et comme dirai Kipling " Si tu peux rencontrer triomphe après défaite et recevoir ces deux menteurs d'un même front..."

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  4. très belle expérience merci de partager , j ai lu ce récit avec beaucoup d émotion . bravo !

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