2 avr. 2016

Etre meneur d'allure : "Ska" vous raconte... (3/3)




"A mon tour de parler, voici mon expérience de meneur d’allure...
Vous les fidèles de runneuse tunisienne, vous savez qu’elle m’a proposé l’expérience très tôt, et franchement je n’ai pas trouvé pourquoi je n’accepterai pas un tel challenge, être le pionnier ça me plait ; en course je n’ai pas les moyens pour être parmi les premiers, alors que pour cette expérience je serai pour toujours parmi la première équipe et ça, personne ne m’enlèvera. Il faut dire que je prenais la chose à la légère, mais Heifa était toujours là pour me rappeler à l’ordre, c’était son projet, sa motivation... Au fur et à mesure des semaines, elle s’est démenée partout pour dénicher les idées et à organiser tout cela ; et moi je commence à prendre le truc au sérieux, plus elle m’en parle et plus je stresse, en plus j’ai eu un coup de moins bien mental et un planning chargé qui m’a fait raté deux sorties longues successives. A deux semaines des FDM, j’ai fait le tour du parcours, 1h52 on est bons!

Tout va pour le mieux, le groupe se forme et la pression monte ; sauf qu’à quelques jours, une remarque déplacée m’a énormément déçue et vexée, et je décide non seulement de ne pas faire le meneur d’allure mais aussi de ne pas courir du tout la course et c’est la mort dans l’âme que j’ai annoncé la nouvelle à Heifa, qui était déçue mais qui comprenait mes raisons (enfin j’espère). J’étais malheureux, pas bien, deux jours horribles, ma femme était là pour moi « comme toujours d’ailleurs », elle  a tout fait pour que je revienne sur ma décision, mais aussi, parce que j’ai appris que « la runneuse » du groupe avait choisi la couleur bleu des ballons pour respecter mon maillot bleu de la Running Team Tunisia qui me tenait à cœur et avec quoi je cours toutes mes courses. Là, je n’avais plus le choix, je n’avais pas le droit de la laisser tomber et je décide de reprendre ma place.

Je ne vais pas vous refaire l’ambiance du départ, vous connaissez maintenant tout ce qui s’est passé : la pressions sur les épaules de Heifa, le ballon qui s’envole, l’appréhension en contraste total de la bonne ambiance des autres coureurs et la fête totale qui nous entoure... 
Tout cela, prend fin après le départ. Lors des 3 premiers kilomètres, on voyait bien l’impact de nos ballons, il y avait trois groupes bien épais chacun derrière deux ballons de couleurs (trois pour les bleus) qui impriment le rythme, c’est juste après la pente de la mosquée, dans la descente, que le peloton commence à s’allonger ; mais notre groupe est bien constitué, on était une vingtaine  de coureurs, rythmé par les encouragements de Mohamed, les bips de la montre GPS de Heifa, le sourire de Rahma, la grâce d’Imen, le calme de Chedly, la bonne humeur de Hamed.

Les premiers kilomètres de la longue ligne droite étaient calmes, nos trois ballons formaient une ligne sur la route, nous étions un repère pour les autres couleurs, on leurs servaient de ligne de mire pour ceux qui étaient derrière nous et on était une menace potentielle pour ceux de devant, tout se passait exactement comme prévu, Heifa pousse même la chansonnette par moment, dommage que quelques voitures ternissent le tableau....
 La deuxième partie de cette longue, longue ligne droite, voit les premiers coureurs lâcher le groupe et quelque autres reprennent confiance et quittent le groupe pour prendre leur envol ; la chaleur augmente, le soleil est dur, le bitûme brûlant, les premières fatigues montrent le bout de leurs nez. Mohamed, que je ne connaissais pas, encourage le groupe, je le vois toujours aussi droit, calme, élégant, tout d’un grand coureur, Heifa égale à elle-même, en "Chef" du groupe annonce les temps de passage et les objectifs.

Au Kilomètre 14, le plus dur commence, une longue ligne de coureurs en file indienne est visible, les visages sont tirés et marqués par la chaleur et les efforts, mais notre train bleu continue sa route, je m’arrête à un ravitaillement  mais en repartant je vois les ballons bleu prendre de l’avance et là je fais une erreur tactique de débutant, j’accélère en montée pour les rattraper en poussant mon corps dans le rouge, cet effort je l’ai payé dans la montée suivante, la plus dure, je sentais que j’étais à bout de souffle, je regarde ma montre, on a quelques minutes d’avance, rapidement je prends la décision de marcher, une centaine de mètres puis je reprends dans la décente pour récupérer physiquement et pour rattraper mes compagnons qui m’ont attendu, le faut plat qui suit est comme un enfer je n’étais plus meneur d’allure, je suivais l’allure des ballons bleus qui me lâchent encore une fois en montée (décidément ils sont très forts mes compagnons) je lutte tout en regardant ma montre et que je remarque je suis toujours dans les temps et même en avance. Mes compagnons m’attendent à la fin de la pente, le groupe a totalement explosé, la belle descente du dernier kilomètre a servi aux coureurs de lancer le sprint final alors que nous il fallait qu’on joue notre rôle jusqu’au bout, on a tenu le rythme jusqu'au dernier mètre de la course, jusqu’à la délivrance de la ligne d’arrivée, main dans la main, on parcourait ces moments d’exceptions, en extase, en exaltation. La voie de M. Mohamed Ali Baccouche raisonne, elle annonce notre arrivée, et encense Heifa, qui a eu enfin son heure de gloire et la reconnaissance qu’elle mérite amplement.

J’ai mis quelques jours pour écrire ce post, pour avoir plus de recul pour évaluer cette expérience, les échos des autres coureurs sont positifs, pour une première expérience, on a essayé de bien faire. On a eu une minute d’avance, mais la parcours ne faisait pas 21Km d’une part et d’autre part, les grosses montées de la fin de parcours nous ont poussé à gagner un peu de temps au début. Je pense aussi qu’on a mal géré les ravitaillements, puisque c’est là qu’on a perdu la plus grande partie de notre groupe. 
Cependant, je ne regrette pas cette expérience, bien au contraire, maintenant, je serais pour toujours, un des 7 pionniers qui ont été les premiers  meneurs d’allure en Tunisie ; et ça j’en suis tellement fier.
A bientôt

« Ska »

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