L'idée
Cela faisait 3 ans que nous attendions de prendre le départ de la CCC, cette course mythique autour du Mont Blanc reliant l’Italie à la France : 100 km et plus de 6000 m de dénivelé positif.
La crise sanitaire en a voulu autrement, la course a été annulée et pratiquement toutes les autres compétitions. Malgré tout, nous avons continué à nous entraîner, parce que nous aimions cela, parce que la nature était notre élément et parce que dans ce contexte précis c’était libératoire de se dépenser.
L’idée est venue de Mohamed qui a pensé que notre logement étant réservé et vu qu’il était impossible de nous faire rembourser, il serait intéressant d’y aller pour faire quelques sorties en entrainement sur les traces de la CCC. Evidemment, étant la voix de la raison je lui avais dit que c’était de la folie de voyager dans un climat aussi instable avec autant de restrictions... et que faire tout ce voyage et dépenser autant d’argent sans accrocher un dossard me semblait fou.
Mais au final et au fil des discussions, je me suis dit que cela serait un beau projet et que nul ne sait de quoi demain sera fait.
Organisation du voyage
La décision a été prise à la mi juillet, nous informons donc notre Coach pour qu’il adapte notre plan du mois d'août et nous négocions un rabais sur le logement.
Nous avons aussi essayé de convaincre des amis trailers de venir avec nous mais nous n’avons pas réussi.
Au début l’idée était de faire la course en 3 étapes mais j’ai pensé que ce n’est pas "Challenging"... faire tout ce voyage pour faire 30 km par jour... j'ai pensé qu'on valait mieux.
En fait, c’est en discutant, en mettant tout à plat, en étudiant les possibilités, en regardant ce que certains trailers étrangers font, en posant des questions à des gens de la région que le projet s’est construit. Nous n’avons pas juste pris un sac à dos, une montre GPS et des billets d’avion.
Donc, pour faire la course en 2 étapes, il fallait dormir à mi-parcours, soit Champex Lac...
Nous avons tout planifié en faisant abstraction du fait qu’il était possible que le voyage soit annulé (mais en gardant cela dans un coin de notre tête). Et d’ailleurs quelques jours avant notre départ la Tunisie a commencé à exiger un test à l’arrivée de tous les pays ainsi que l’auto isolement mais qu’importe...
Chamonix
Nous voilà donc le mercredi 25 août vers 14h à notre logement à Chamonix admirant le Mont Blanc avec un magnifique soleil. Une petite ballade en ville, un déjeuner de pâtes, des courses pour le petit déjeuner et nous tombons sur un petit comité de l’organisation de l'UTMB qui prend le départ pour faire le tour du Mont Blanc (chacun sur une distance) en « autonomie » mais aussi Pau Capell qui se lancera le lendemain sur son « breaking 20 ».
De retour à la maison, nous préparons nos affaires, il fallait penser à tout étant donné que nous serons quasiment en autonomie. Je dis quasiment car nous avions identifié les points d’eau sur le parcours et les possibilités de restauration dans les villages/refuge avec l’aide d’un trailer local.
Mais le sac sera tout de même lourd car on aura besoin d’une tenue pour le lendemain, le matériel obligatoire, le ravitaillement au long du parcours (barres, gels, électrolytes...) et des bâtons.
Et même si nous savions que pour la journée de vendredi, la météo allait complètement changer avec des orages, du froid et de la pluie, nous restions confiants (un peu trop).
Première journée de la traversée
Réveil 6 h du matin jeudi 26 août après une nuit de sommeil parfaite, rituel d’avant course et nous voilà à l’arrêt du bus qui se trouvait juste en bas de l’immeuble.
En route vers Courmayeur en Italie où nous prendrons le départ.
Pour ce premier jour de traversée, nous aurons à Parcourir 55 km et 3200 m de D+. Nous avons estimé que nous mettrons 9h mais ne savions pas encore ce que c’était le « off » ni « l’autonomie », sans oublier le fait que nous ne sommes pas du coin.
Je pense que ça serait trop long et pas très intéressant de parler de la course étape par étape... je vais donc parler de ce qui a bien fonctionné et de ce qui nous a fait défaut.
Nous étions concentrés sur le parcours, avec la montre et la trace sur le téléphone. Le décor était magnifique et le temps juste parfait. Nos sacs étaient lourds mais pour moi cela restait gérable, nous étions bien affûtés et tellement reconnaissants à notre coach des progrès réalisés tout au long de cette année. La première contrariété arrive après 15 km et 1500 m de D+ (Une montée que nous avons bien géré) , la source d’eau près du refuge était fermée et le proprio crie qu’il faut en acheter, ce qu’on fait mais qui nous fait perdre du temps (mettre son masque, sortir l’argent, faire la queue...). Quand nous repartons, nous ne faisons pas très attention et au bout de quelques centaines de mètres de descente nous sommes hors parcours. Ce premier incident nous fait perdre 30 mn et pas mal d’énergie. Mais nous comprenons aussi qu’il ne sera pas toujours simple de nous repérer sans balisage... à partir de là Mohamed est complètement concentré sur la trace téléchargée sur le téléphone. Arrivés au point suivant où nous avions prévu d’acheter un coca, le refuge était fermé, nous remplissons nos flasques et repartons. Nous prendrons le temps de prendre un sandwich à Arnouvaz avant la deuxième difficulté de la journée pour arriver au sommet du Grand Col ferret : le Meilleur point pour admirer le massif du Mont Blanc. De mon côté je suis très frustrée par cette perte de temps et le retard accumulé sur nos prévisions. Mohamed prend conscience de la difficulté de l’autonomie, ce qui se confirmera quand nous arrivons à Arnouvaz, pas de sandwich, une file d’attente pour prendre le coca, heureusement que nous avions assez de barres et de gels ! Merci Daty. Encore une vingtaine de minutes de perdues mais le plus important c’est que nous étions en forme et frais.
La montée du grand col ferret... comment vous dire interminable et pas du tout intéressante, surtout sur la seconde moitié, un sentier, sans arbres, tu ne sais pas où tu vas... chaque 100 m tu te dis que c’est fini. Nous arrivons à plus de 2500 m d’altitude (Mohamed me devance bien sûr) on prend une pause de quelques minutes, quelques photos...En fait toutes les photos et les vidéos que j’aurais pu faire et prendre ne reproduiront jamais la beauté du spectacle. L’altitude me donne un peu le vertige... on redescend vers La Fouly. D'après ce qu’on sait il s’agit de 20 km roulant et pas techniques. Cela fait maintenant plus de 7 h que nous sommes sur les sentiers. N'ayant pas le même rythme Mohamed et moi et afin que personne ne se sente frustré, nous nous étions relayés, il menait la danse sur les montées et j'essayais de garder le rythme sur le plat et les descentes. Cela nous a permis de ne pas nous ennuyer et de nous motiver.
Pas grand chose à dire à propos de cette partie mis à part le fait qu’en nous arrêtant au niveau d’un gîte pour boire un coca et remplir les flasques, nous croisons les vaches... un spectacle juste magnifique avec les sons de cloche. Après cela on se perd... aucun moyen de retrouver le parcours. On décide alors de suivre les pancartes et notre intuition. Et on y arrive même si cela nous a énormément contrarié et fait perdre beaucoup d’énergie (du temps bien évidemment). Mais à présent il ne restait pas grand chose 14 km et 500 m de D+. En somme une petite sortie. Mais étant donné le retard accumulé, on avait peur qu’il fasse nuit même si on avait nos frontales. On a couru sur la descente en faisant attention pour ne pas perdre la trace de nouveau.
Le fait de penser que la dernière montée vers Champex lac n’était pas grand chose était une grosse erreur car elle n’en finissait pas. Le repas était servi à 19 h au refuge et nous étions encore au milieu de nulle part. On arrive à Champex lac vers 20h30 mais pas encore au gîte. Quand je mets l’adresse sur Google, il y a encore 2,5 km. On les appelle alors pour dire qu’on arrive dans 20 mn.
Une fondue nous attend...
Nous mangeons puis nous prenons notre douche et nous dormons vers 22h30.
J’avais juste une ampoule, une douleur atroce entre les épaules mais mes jambes étaient là. Le bilan de cette première journée était positif.
Nous avions prévu de prendre le départ vers 8h le lendemain mais la dame nous a dit qu’on pourrait se lever tôt et nous servir seuls le petit déjeuner car les personnes qui étaient là l’ont réclamé (partir plus tôt pour gagner du temps sur l’orage).
Deuxième journée de la traversée
Réveil relativement en forme, le dos va mieux, l’ampoule est là mais je l’ai gérée.
Petit déjeuner, préparation des sacs et départ.
Il va falloir retrouver le parcours... ce fût plus simple qu’on le pensait et le fait d’avoir continué la veille vers le refuge nous a fait gagner 2 km.
En route vers la Giète : premier col de la journée.
La seconde journée, le parcours est plus technique. On s’y était préparé.
De Champex Lac à Trient, rien à dire, nous sommes dans les temps, les jambes sont là, j’ai juste un peu la nausée avec l’altitude. Nous croisons vers Trient l’équipe de Pau Capell qui semble être en retard sur les prévisions.
Même si je ne le mentionne pas, tout au long du parcours nous croisons plein de randonneurs, de toutes nationalités.
Nous voilà à Trient, en avance sur les prévisions, on s’achète un Coca et on temporise en espérant que Pau arrive. Mohamed le suit un peu en faisant une vidéo puis on repart. L’orage se prépare et nous montons vers le col suivant : Les tseppes, où j’ai failli m’envoler tellement le vent soufflait fort. Je portais un maillot manche courte et des manchons, j’ai alors sorti mon coupe vent.
L’idée était de manger quelque chose à Vallorcine, en espérant qu’aujourd’hui on ait plus de chance que la veille. Nous sommes presque au village de Vallorcine quand il commence à pleuvoir, on entre dans un restaurant, on commande un sandwich et des boissons. Nous sommes en avance mais on doit réfléchir sur la suite : parcours officiel qui passe par la tête au vent à 2500 m d’altitude ou parcours de repli (qu’on a pas téléchargé). Au vu de l’orage la première option est éliminée. On discute avec Khaled qui nous a conseillé lui aussi d’abandonner la parcours officiel et nous a envoyé la trace supposée du parcours de repli.
A partir du moment où nous quittons Vallorcine, les choses se sont enchaînées. Mohamed était très sceptique et moi j’ai proposé d’y aller étape par étape. Il nous restait environ 20 km.
Direction le col des montées puis on verra. Plus on avançait plus la pluie était torrentielle. Je passe sur les difficultés à trouver le bon sentier... à présent nous sommes sur la route avec une indication soit on va vers la Flégère, soit on va vers Argengtière (khaled avait dit que le parcours de repli passerait par là sauf que la trace nous emmenait vers l’autre chemin). Intuitivement, nous étions d’accord que cela nous mènerait vers la tête au vent et donc on mourrait surement emportés par le vent. En regardant quelques mètres devant et en haut, le brouillard était énorme. Il y avait là un bureau d’accueil pour une réserve naturelle, j’entre et je me renseigne auprès de la dame. Elle confirme notre intuition.
En sortant, Mohamed me dit qu’il était plus capable d’avancer à cause du froid. Quelques centaines de mètres plus loin vers Argentière on se réfugie dans des toilettes publiques. Pas de parcours, pas de visibilité, un déluge en haute montagne (entre la Suisse et La France), mission suicide que de continuer. Mohamed était frigorifié. On décide d’arrêter nos montres et de chercher un moyen de transport pour revenir à Chamonix. J’étais déçue, j’avais tellement rêvé de cette arrivée même sans course officielle. Mais je me devais, on se devait d’être réaliste. Je pense que nous sommes restés 30 mn dans ces toilettes. Mohamed a mis son pantalon Goretex, un t-shirt manches longues, la couverture de survie et par dessus le coupe vent. J’ai aussi mis ma couverture de survie en dessous du coupe vent. On sort et on décide de marcher jusqu'à Argentière où on tentera de trouver un moyen de transport vers Chamonix.
Entre temps, l'orage s'était un peu calmé, nous marchons un peu et c'est à ce moment que Mohamed m'ordonne de mettre mon pantalon (en fait, je n'en voyais pas l'utilité, car ce qui me gênais le plus c'était le fait que mes chaussettes et mes chaussures étaient trempées). Au bout de 5 mn de marche, nous voyons de nouveau des indications...nous prenons la décision de suivre la pancarte ''La Flégère" en espérant que ce soit le parcours de repli. Nous faisons fonctionner nos montres de nouveau et on avance à un rythme de plus en plus soutenu...finalement nous avions bien fait puisqu'au bout de 1h40, nous arrivons à La Flégère. Il nous reste alors 8 km de descente vers Chamonix. Je propose de remettre la trace du parcours pour arriver à être sûrs de ce qu'on fait...La descente était assez technique par moment, glissante vu la pluie mais les jambes étaient là. Nous arrivons à courir la majeure partie du temps, que du bonheur...
On l'a fait, on s'en est sortis...nous arrivons sur la place où se font les arrivées de la course officielle, en même temps qu'un autre couple, des gens sur place applaudissent et une dame nous propose de nous prendre en photo...j'ai les larmes aux yeux...je suis frigorifiée, je suis submergée par les émotions...ce fût de loin le plus beau des défis...
Merci à la vie...
Merci à toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à la concrétisation de ce projet (ou pas d'ailleurs)
Budget par personne :
- Billet d’avion Alitalia Tunis/Rome/Genève : 1100 DT
- Logement : 466 Eur les 4 nuits (mais le logement était prévu pour 4 personnes et vous pouvez trouver moins cher)
- Transfert en bus :
- Aéroport de Genève/Chamonix : aller/retour 50 Eur
- Chamonix Courmayeur :15 Eur
- Nuit au gîte avec dîner et petit déjeuner inclus : 85 Eur en chambre individuelle
- Dépenses sur le parcours : Coca et Sandwich 20 eur
Impressionnant. Une tres belle aventure. BRAVO
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